Le cinéma français à teneur "réalisme social" : tout un programme. Le genre a donné de belles œuvres disparates, éclatées, mais toutes ancrées dans un contexte auscultant, de prêt, une certaine vérité contemporaine sous couvert des chemins de la fiction (drame, histoire d’amour, etc.). On pourra citer La vie rêvée des anges, Ressources humaines, Qu’un seul tienne et les autres suivront ou même La vie de Jésus, des œuvres carrément puissantes parce que proposant un cinéma repensé, plein d’une audace et de parti pris forts, loin, très loin, vraiment très loin de cet Angèle et Tony maussade, déjà désuet, aussi plat, à tous les niveaux de son élaboration, qu’une limande ou qu’un turbot.
Ce film paraît, constamment, osciller entre un vieux reportage de Thalassa et une production du terroir France 3 Régions. On s’attend presque à voir débouler, sans étonnement, Louis la Brocante, Virginie Lemoine de Famille d’accueil ou Roland Magdane du Tuteur pour venir en aide à cette pauvre Angèle et son mioche. Très justement, Les Cahiers du Cinéma ont dit à propos de ce bidule : "C’est tellement pas ce qu’on a envie de voir aujourd’hui dans le cinéma français". À la télévision à la rigueur, parce que cette chose a, au plus, l’égale ambition cinématographique d’un téléfilm en quête d’une bonne critique dans Télé 7 Jours.
Angèle et Tony, c’est la rencontre improbable entre une ancienne détenue et un nounours marin pêcheur, tous deux peu prolixes et rudes, construisant une relation fragile par des silences, des regards et des faux pas. Chacun cherche l’amour, moins de solitude, quelque chose qui cimenterait enfin leur vie. Le thème en soi est intéressant, solide (parvenir à se (re)construire), mais son rendu terriblement fadasse. C’est gentillet tout plein, contrit d’émotions factices, consensuel à mort, filmé sans éclat (ne parlons même pas de la photographie, bricolée avec deux halogènes en surtension) et écrit sans surprise (la première scène, complètement ratée et inutile).
Toutes les 10 minutes environ, Alix Delaporte croit bon de montrer Angèle sur son vélo et avançant coûte que coûte, dans les côtes, face au vent, avec un pneu crevé. Métaphore pas super subtile, assénée en sus à chaque fin de bobines pour bien nous faire comprendre qu’Angèle veut s’en sortir à tout prix (et au cas où il y en aurait, assez bêtes, pour croire qu’elle s’entraîne pour le Tour de France). Mais le vrai problème, le truc qui fait complètement masse, vient finalement de Clotilde Hesme, trop flagrante dans son côté buté et qui joue ad nauseam sur le même registre sans y apporter l’once d’une nuance (ah si, un joli sourire à la fin). Son personnage, de fait, reste extérieur à nous, jamais attachant, impossible à aimer, rare à saisir.
Gregory Gadebois est bien la seule et unique raison d’apprécier un peu ce film, et deux ou trois moments de grâce aussi apportant, parfois, quelque hauteur (un apéro sur un bateau, une lecture de Blanche-Neige, une pêche aux crabes en robe de mariée). La simplicité, la sincérité, c’est sympa comme concepts, sauf quand ça rime avec facilité et nullité. Bouleversant, Angèle et Tony ? Pas une seconde, et ce qui est réellement bouleversant, c’est de s’apercevoir, après une heure et demi de désolation totale, qu’on a regardé, toléré, payé pour un machin aussi émouvant et passionnant qu’une notice de Doliprane. Merci la vie.