Influencé et intrigué par la critique élogieuse de notre PierreAfeu national (que dis-je, international !), me voilà partant confiant sous la pluie et la neige et le vent et le froid pour découvrir le bien nommé Aujourd’hui, histoire de confirmer ses dires et d’aller me réchauffer un peu sous le soleil de Dakar, Dakar où Satché doit mourir aujourd’hui. Il a été choisi par les Dieux, par la Grâce venue frapper à sa porte avant son réveil, et il faut pouvoir s’y résigner parce qu'il n’y a rien à faire, c'est comme ça, et puis on ne discute pas avec les traditions et l’autorité divine. Il reste à Satché une journée à vivre, une journée entière pour profiter de sa famille, de ses amis et de Dakar la grande.
La nuit quand il se rendormira, il partira, simplement, sans cérémonie ni chagrin ni regret. Mourir comme si c’était une fête, non pas comme une fatalité, mais comme un point à atteindre, fier et serein. Alain Gomis compose une balade tendre, joyeuse et solaire, une promenade languide vers l’au-delà, mais bancale à moitié. Les deux premiers tiers sont fastidieux, jamais loin de l’ennui ; le film est même beaucoup plus passionnant entre les rencontres/étapes de Satché, supposées faire sens (avec ses amis, avec sa maîtresse, son oncle, à la mairie…), que les rencontres elles-mêmes qui ne sont pas vraiment intéressantes par rapport à ce qu’elles disent (sauf quand l’oncle de Satché lui montre les gestes précis qu’il fera lors de sa toilette mortuaire).
Aujourd’hui est davantage ensorcelant, plus magique aussi quand Satché déambule, s’égare et pose un regard à la fois attendri et amer sur son pays (pauvreté, manifestations contre le gouvernement Wade…) et sa ville, bouillonnante, grouillante, vivante, colorée et chaude à travers les rues et les avenues, dans ses bruits et ses mille visages. Le dernier tiers en revanche est magnifique. Le film se débarrasse de tout dialogue (il y en avait peu avant de toute façon), de toute considération autre que la douceur d’un adieu, et devient plus sensitif, plus intime soudain.
Satché rejoint sa maison, où sa femme étend le linge et ses deux enfants jouent à même le sol, pour saisir paisiblement les quelques heures qu’il a encore devant lui en se posant, s’arrêtant, observant la vie alentour, une main d’enfant dans du sable, une araignée sur un mur, l’eau apaisante d’une douche, faire l’amour, rire, imaginer ses loulous plus tard, plus grands, puis fermer les yeux et ne jamais les rouvrir… Voyage sensible, délicat, que Saul Williams, beau et fragile dans le rôle de Satché, emporte avec majesté ; mais pour un dernier jour sur la Terre, on préférera quand même Oslo, 31 août, dix millions de fois plus lumineux, plus sensoriel et plus bouleversant.