Prends garde, petite créature sans défense : cette critique est rédigée en total mode "Moi, je" et pourra choquer les plus sensibles. C’est parti : quand j’étais petit (genre vers neuf ans), et même plus tard adolescent, je raffolais comme un dingue des comics Marvel. Tous les mois, j’attendais avec une impatience gourmande le nouveau Strange, Spécial Strange et Titans, et dévorais avidement les péripéties extraordinaires de Spider-Man, du Bouffon vert, des X-Men, d’Iron Man, de Daredevil, de Rom (j’adorais Rom, d’ailleurs qui se souvient encore de lui ?), de Namor, de la Division Alpha et de bien d’autres encore.
Dans les (trop ?) nombreuses adaptations de leurs aventures, pas une seule n’est vraiment digne d’intérêt, et pas une seule n’est parvenue à la cheville des scénarios et des somptueux graphismes écrits et inventés par les plus grands que furent John Byrne, John Romita, John Romita Jr., Chris Claremont (auteur du célèbre album des X-Men Dieu créé, l’homme détruit), Ann Nocenti, Mike Mignola, Todd McFarlane, Klaus Janson, Frank Miller et David Mazzucchelli (qui travaillèrent ensemble sur le superbe cycle Born again de Daredevil, désormais culte), Al Milgrom, Jim Lee, Jae Lee… Je voudrais les citer tous, tous ceux qui m’ont émerveillé et m’ont fait rêver pendant mon enfance et à qui je dois, un peu sans doute, ma passion précoce pour le dessin et l’écriture (je gribouillais aux feutres des petites BD malhabiles sur du papier quadrillé en m’inspirant fortement de mes héros préférés), mais c’est impossible parce qu’il y en a beaucoup trop.
C’est donc de notoriété publique : la plupart des versions grand écran sont des désastres, au mieux des cauchemars (Les 4 fantastiques, Wolverine, Hulk, Daredevil, Elektra, Thor, Iron Man, Ghost rider, The punisher, X-Men, à part celui de Bryan Singer…). Seuls les deux premiers Spider-Man (et Hellboy dans une certaine mesure) sont parvenus à conjuguer magie du matériau original et pur plaisir cinématographique. Et si, finalement, il fallait choisir le meilleur des films de super-héros, ce serait le magnifique Incassable de M. Night Shyamalan, œuvre délicate, mais puissante, sur la naissance d’un justicier et la renaissance d’un père (et d’un mari aussi). En attendant, il est permis de fantasmer sur une éventuelle adaptation, noire et magistrale, de Born again par Paul Thomas Anderson ou Darren Aronofsky (un jour peut-être…).
Et les Avengers alors (parce qu’il faut bien en parler un peu) ? C’est excessivement long (qu’est-ce que c’est looong…) et plombé par trois tonnes de blabla insignifiant auquel souvent on ne comprend que dalle (j’ai, plusieurs fois, piqué du nez tellement je m’ennuyais, et ce malgré les quelques pointes d’humour dans les dialogues et les situations). Seules l’attaque du vaisseau commander du S.H.I.E.L.D. et la superbe bataille finale à Manhattan, réduit en poussière pour la énième fois, empêchent le film de sombrer dans les abîmes du nanar cheap (la première séquence, l’assaut de Loki dans un laboratoire militaire secret est, à ce titre, complètement ratée, brouillonne et mal montée), soit 1h à peine sur les 2h20 du film. Avouons que c’est bien peu. Et l’histoire sinon ? Encore une intrigue neuneu (la même pratiquement que dans Transformers 3) de porte galactique et de cube cosmique et d’invasion extraterrestre, d’aliens bébêtes et méchants bien décidés à en finir avec l’humanité (en tout cas avec les New Yorkais qui, les pauvres, s’en prennent encore plein la gueule).
Et les acteurs enfin ? Loki (interprété par le fade Tom Hiddleston, avec un charisme de serviette éponge) ressemble davantage à une rock star ringarde des années 80 (Loki mon chéri, les épaulettes, c’est ter-mi-né depuis longtemps) qu’au dieu roublard et fascinant créé par Stan Lee et Jack Kirby. Pour le reste, chacun fait son boulot correctement mais sans réelle implication, avec une vague impression de "Plus vite on termine ce truc, mieux ce sera". J’ai quand même une pensée émue pour Cobie Smulders, la géniale Robin de How I met your mother, réduite ici à une potiche en combi avec seulement cinq misérables lignes de textes se terminant toutes par un pathétique "Sir" à Samuel L. Jackson (mais c’est sans doute moins pire que Neil Patrick Harris parti se compromettre dans Les Schtroumpfs).
Une suite est évidemment en cours, avec le Titan Thanos en super super-méchant. Je tiens à préciser que ce sera sans moi, à moins d’en faire une version d’une heure en trois plans-séquences avec Nicolas Winding Refn ou Gaspar Noé à la réalisation, et avec une scène de dix minutes où Hulk se fait violer par Thanos en caméra subjective. Quitte à passer pour un rabat-joie, je préfère aller me replonger dans mes vieux Strange et me dire que Stan Lee a, quelque part, sacrifié la substantifique moelle de toute son œuvre en la refourguant, tel un marchand de tapis, à Hollywood et ses viles combines mercantiles qui, malheureusement, en ont fait des produits standards, dénaturés et inoffensifs.