Transformers 2 fut ma Babylone, et World invasion mon Waterloo. Battleship sera ma victoire à la Pyrrhus. En gros : oui, mais non. Au royaume des blockbusters burnés, Battleship, étudié, pensé, monté et usiné de la sorte, fait figure d’énième pétarade remplie de gentils défenseurs du monde (Armageddon, Independence day, Transformers, etc.). En même temps, Peter Berg, en mode Michael Bay, l’a dit à Taylor Kitsch en l’engageant (quel air bovin celui-là… Mais d’où il sort ce type ? C’est qui, c’est quoi ? Qui lui a dit de faire l’acteur ?), comme pour se dédouaner de l’avoir entraîné dans ce bazar bourrino-mastoc : "Tu veux faire ce truc avec moi, oui ou non ? Faisons ce film. Faisons un putain de film qui déchire, sera fun et émouvant à la fois !".
Mon amour pour les grosses explosions, les poursuites en voitures, les scènes spectaculaires et celles de destruction massive me perdra un jour, j’en suis sûr, et Battleship, de ce côté-là, rempli parfaitement son contrat ; pour le reste, l’intrigue est quand même assez conne. Adapter au cinéma le jeu de la bataille navale a quelque chose de complètement ridicule en soi (et pourquoi pas Blokus ou La dame de pique ???). Envisagé comme un Transformers sur l’eau, Battleship a forcément de la gueule (ça déchire, c’est pas trop fun et pas du tout émouvant), pratiquant un béotisme décomplexé qui n’égale pas trois neurones. Au moins évite-t-il (en partie) toute propagande militaire martelée à la pioche et au burin, et, à bien y regarder, le film se trimballe même une certaine (auto)dérision à tordre ainsi le cou à tous les poncifs du genre.
Parce que là, ce n’est plus une bande de valeureux G.I.’s surentraînés qui s’en va atomiser de l’alien hostile et défendre nos belles valeurs humanistes (l’armée, ici, est tenue à l’écart), mais plutôt ça : une bimbo, un black cul-de-jatte, un geek à grosses lunettes, une chanteuse de R’n’B, un japonais, des vétérans édentés, un presque sumotori, un presque albinos fan de lézards et un seul représentant de l’Américain de base, jeune et fort et courageux. Cerise sur le pudding : c’est L’art de la guerre de Sun Tzu, manuel chinois de stratégie guerrière, qui sert de logique tactique à notre équipe de choc pour aller choper the V of the victoire.
Maintenant, relativisons : le film est beaucoup trop long, prévisible à mort, mal écrit, mal filmé, mal joué (Rihanna, la bougresse, vient faire de la pâle figuration avec deux expressions au compteur pour tenter de nous refourguer, l’air de rien, ses prochains singles pourris), et toute la partie avec cette histoire d’antennes et de satellites est très chiante, très chiante et très très chiante. En revanche, les nombreuses batailles entre vaisseaux extraterrestres et flotille de la Marine sont vraiment réussies, et visuellement excitantes. Pour finir, un peu de culture : Pyrrhus 1er, roi d’Épire, défit les Romains pendant les guerres d’Héraclée et d’Ausculum, mais son armée souffrit de pertes irremplaçables (amis et principaux commandants). Il eut alors ces mots célèbres : "Si nous devons remporter une autre victoire sur les Romains, nous sommes perdus". Voilà, c’est un peu ça en fait : à force de débrancher mon cerveau pour pouvoir "apprécier" des conneries pareilles, je vais finir par faire un AVC.
Peter Berg sur SEUIL CRITIQUE(S) : Le royaume.