Beautiful thing, c'est d'abord une pièce de théâtre écrite en 1993 par un jeune auteur britannique, Jonathan Harvey, et devenue trois ans plus tard un film culte pour toute une génération de gays à travers le monde. Mais la force du long-métrage d’Hettie Macdonald est, précisément, de dépasser ses limites communautaires en évoquant d'abord ce sentiment conscient, commun, cette "belle chose" qu’est l’amour et qui ignore l’intolérance, les consensus, les genres et surtout les étiquettes. Beautiful thing, c’est l’histoire de deux adolescents de 16 ans, Jamie et Ste, qui tombent amoureux l’un de l’autre ; l’histoire d’un quelque chose de magique qui se produit soudain sur le palier d’un immeuble d’une cité londonienne.
Le film se construit par petites touches, par petits riens et par l’évidence aussi d’un humour décapant. Macdonald met beaucoup d’élégance et de pudeur dans le regard qu’elle porte sur cette attirance secrète, puis finalement revendiquée à la face du monde, et dans cette manière d’apprendre la vie, l'importance de ce que l’on est avant tout. Le seul reproche qu’il est éventuellement possible de faire au film est sa mise en scène très standard qui, de toute façon, passe au second plan par rapport à la valeur universelle de son scénario.
Les acteurs y sont magnifiques de justesse, les deux garçons bien sûr, Glen Berry et Scott Neal, mais surtout Linda Henry dans le rôle de la mère de Jamie, pétillante, instinctive et terriblement humaine (la scène où elle hurle qu’elle n’a jamais cessé de se battre pour son fils est bouleversante). La dernière séquence du film, gentiment idéaliste, annule toutes les différences, promet toutes les audaces : Jamie et Ste dansent, tendrement enlacés, au milieu de la cité sous le regard ahuri (ou consterné) de quelques habitants. L’émotion est là, tangible et comme miraculeuse, portée par la chanson Dream a little dream of me de Mama Cass qui s'élève d'entre les tours. Un grand petit film qui, vingt ans plus tard, trouvera un écho naturel (et plus adulte) dans Week-end, le chef-d'oeuvre d'Andrew Haigh.