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Bienvenue à Gattaca

S’inspirant des films d’anticipation ancrés dans un possible avenir pareil à notre réalité quotidienne, tels que 1984, Brazil ou Fahrenheit 451, Bienvenue à Gattaca se refuse également à un décorum trop explicite, y préférant une ambiance aux allures rétro en rupture avec son apologue futuriste, vision d’un monde épuré, dépouillé, moins repérable dans le temps puisque débarrassé de perspectives technologiques trop sophistiquées. Pour instaurer sa conception d’un futur totalement aseptisé, Niccol s’est entouré d’une équipe technique essentiellement européenne dont l’influence se ressent dans l’esthétique générale du film. Deux habitués du cinéma de Peter Greenaway consacrent ainsi leur talent à l’univers du long-métrage : Michael Nyman pour la splendide musique et Jan Roefls pour les décors minimalistes. Et Slawomir Idziak, ancien directeur de la photographie chez Kieslowski, apporte à l’ensemble une lumière coupante et nuancée dans les moindres tons.

Pas d’effets spéciaux et de tentations spectaculaires donc, mais plutôt la représentation nue d’un monde qui s’est refermé sur lui-même dans une recherche constante et illusoire de la perfection, de l’excellence, du divin (l’obsession de Vincent étant de partir "là-haut") ; une société du mieux, de l’apodictique, s’établissant par rapport à un schéma eugénique (et forcément totalitaire) qui privilégie l’irréprochable. Mais comme dans tout système a priori infaillible, l’absolu n’est pas réalisable, pas qualifiable, et c’est ici le triomphe des sentiments et de l’anti-conformité qui l’emportera sur la sélection d’une élite relevant de la légitimité contrainte.

Le scénario, parallèlement à cette figuration glaciale d’une civilisation sans chaos extrinsèque, développe le thème du double en faisant de Vincent le centre d’une dualité occultée ou acceptée : l’affrontement de deux frères (Vincent/Anton) et le changement d’identité de deux corps (Vincent/Jerome). Ce dédoublement, au sein d’un environnement où l’individualité semble être devenue une norme existentielle, transcende la matérialisation d’une révolte, d’une désobéissance face à un pouvoir de conditionnement social et de pronostics médicaux. D’une beauté froide et lisse, Bienvenue à Gattaca ne manque pourtant pas de corporéité, et son propos sur une capitalisation génétique implacable conduit à une autre réflexion, celle d’un futur proche qui reniera (comme hier et aujourd’hui, mais de façon plus catégorique encore) l’égalité entre les hommes jusqu’à exterminer ceux préférant le droit à la différence et à la liberté.

Bienvenue à Gattaca
Tag(s) : #Films

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