Ultra-conceptuelle, la série Day break s’amuse à compiler emprunts télévisuels et cinéphiliques (actuels ou plus anciens) pour en faire un show futé et captivant. Fondamentalement, le scénario n’a rien d’exceptionnel, l’enquête est classique, vue ailleurs des centaines de fois ; la forme adoptée, en revanche, permet une relecture perpétuelle stimuant les nombreux enjeux physiques et psychologiques du scénario (personnages tués revenant le lendemain, lassitude du héros). C’est le même principe qui rendait passionnant, par exemple, Snake eyes, Memento ou Usual suspects : à bien y regarder, leur intrigue reste très conventionnelle, et racontée sans le filtre du gimmick formel (points de vue multiples, narration à l’envers ou remise en cause de tout ce qui a été vu), ses films deviendraient partiellement ennuyeux. C’est d’ailleurs ce qui se passe en partie après plusieurs visions, l’effet conceptuel éventé tournant alors à vide et révélant les carences de l’histoire.
Day break se réapproprie avec malice le procédé de répétition hebdomadaire qu'utilisait Une journée sans fin : il n’est plus question ici de conquérir l’être aimé, mais de sauver sa peau et celle de ses proches. L’intrigue à tiroirs rappelle Prison break et 24, fonctionnant sur un principe d’éternelle fuite en avant et de rebondissements millimétrés. L’inspecteur Brett Hopper, Sisyphe moderne, doit ainsi découvrir qui l’a piégé en l’accusant du meurtre d’un sénateur. Mais, condamné à revivre la même journée, il découvre les dessous de l’affaire et les innombrables implications qu’elle entraîne autour de lui. Chaque révélation, chaque décision a des répercussions sur les événements suivants (et ainsi de suite), impliquant tous les protagonistes, à un moment ou un autre, dans cet infernal imbroglio politico-meurtrier.
Cela créé une mise en abîme excitante, mais peut-être pas complètement exploitée jusqu’à l’abstraction et au vertige. Ayant toujours une longueur d’avance sur les autres personnages, Hopper peut ainsi anticiper et contrecarrer plus facilement les actes et mouvements de ses adversaires. Cette grande partie d’échecs, qu’il faut suivre avec beaucoup d’attention, se regarde avec enthousiasme, soutenue par une mise en scène carrée et nerveuse (qui rappelle beaucoup Tony Scott). La série, qui n’a pas trouvé son public aux États-Unis (sans doute à cause de sa "complexité"), a été arrêtée après 13 épisodes ; cela explique l’insuffisance du dernier d'entre eux, démonstratif et fourre-tout, où les révélations s’emboîtent à la chaîne de façon systématique parce qu’il fallait bien clore et résoudre les intrigues qui avaient été lancées. Puzzle énergique, labyrinthe temporel sans cesse redéfini, Day break se savoure comme un jeu de piste et d’esprit survitaminé.