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Cendrillon

De l’art animé 2/7 - Disney [Critique rédigée par Palilia]
 

Walt Disney s'est servi du conte Cendrillon ou la petite pantoufle de verre de Perrault pour en faire un dessin animé sorti sur les écrans en 1950 et il a eu bien raison car, dans la version des frères Grimm, il a fallu couper les pieds des deux affreuses pour tenter de les faire entrer dans la pantoufle et, en plus, elles sont devenues aveugles (quelle cruauté). Y’a de quoi faire cauchemarder des générations d'enfants avec ces types-là… Dans la version de Perrault, la pantoufle est de verre ; on a longtemps atermoyé sur le fait de savoir si elle était de "vair" (soit en peau d'écureuil) ou de "verre" comme dans le dessin animé, mais on s'en fiche pas mal puisque dans toutes les autres langues, ça ne se prononce pas comme en français. Nous resterons donc sur le verre, peu commode à chausser, mais si joli à regarder dans le film avec ses étoiles brillantes sur le dessus.

Nous avons une pauvre orpheline grugée par sa belle-mère et ses deux idiotes (et moches) demi-sœurs et qui passe son temps à balayer, laver, frotter, faire la cuisine et ravauder le linge. Pourquoi l'appelle-t-on Cendrillon ? En fait, elle n'a pas d'autre nom, mais aurait l'habitude, dans l'un des contes précités, de se coucher dans de la cendre une fois son travail terminé. Cendrillon met du vieux pain sur son balcon pour attirer les oiseaux, les pigeons (hum) et ces jolis volatiles, chaque matin et quand l'horloge du château sonne au loin, lui refont le lit et lui tapotent son coussin (quel bol !).

Cendrillon tricote des habits pour les souris et les rats qui sont ses amis, donne à manger aux poules en leur criant "À table !" (mais elles ne comprennent pas les poules, allons, y’a pas plus bête qu'une poule). Son chien Pataud, assez fainéant, galope en dormant (l'image n'est pas fausse puisque j'ai déjà eu l'occasion de voir mon chien bouger ainsi en rêvant la nuit) puisqu’il pense courir après le chat Lucifer, énorme avec des yeux triangulaires, adipeux, laid et sournois comme je ne les aime pas. Le graphisme de l'époque me plaît bien plus que les Disney d'aujourd'hui : les contours étaient moins anguleux, les traits plus doux et expressifs, les yeux moins "dessins animés japonais", donc moins grands. Et il n'y avait pas, a contrario, l'humour qu'il peut y avoir dans tous ceux qui sont sortis depuis le début des années 90.

Mais revenons à cette pauvre Cendrillon qui croule sous le travail et vit dans un château qui m'a toujours fait rêver. La scène où elle lave à genoux le grand hall flanqué d'un superbe escalier, j'en ai rêvé moi d'un hall pareil, mais je me contente d'un couloir. "Chante Rossignol, chante dans la nuit…" chante-t-elle pendant que cet ignoble Lucifer lui flanque des pattes pleines de cendre sur le carrelage (je ne comprends toujours pas pourquoi elle n'a pas pris un manche à balai pour l'aplatir, ce chat) et que ses demi-sœurs tentent vainement de chanter la même chanson près du piano de leur mère. Un pli royal est porté à la demeure, invitant toutes les jeunes filles du royaume à venir au bal organisé par le Prince.

La force de Disney a été de nous embarquer dans l'incroyable confection d'une robe sublime par des souris et des oiseaux sur un air entraînant : je crois bien que c'est la scène que je préfère de tout le film. Cette robe est, à mes yeux, beaucoup plus jolie que la robe blanche fabriquée par sa marraine d'un coup de baguette magique. Robe arrachée, devenue haillons par la méchanceté de la sournoise belle-mère, qui ressemble à quelqu'un que je connais, et de ses filles dont l'une d'elles ressemble aussi à quelqu'un que je connais. Cette robe en haillons était quand même aussi jolie que l'autre (quand on voit les créations des grands couturiers aujourd'hui, y’a beaucoup plus moche que ça, je vous le dis !).

Et voici que, sanglotant comme une pauvre malheureuse, Cendrillon voit apparaître des myriades d'étoiles brillantes et, au milieu d'elles, sa "chère marraine" : qu'est ce qu'elle a donc foutu cette marraine pendant toutes ces années pour laisser sa filleule dans ces conditions misérables ? L'histoire ne le dit pas mais moi, ça me révolte. La voilà qui transforme une citrouille en carrosse (on devait donc être au minimum au mois d'octobre car au printemps, les citrouilles…), les rats en chevaux, le chien en laquais et le cheval en conducteur (même en conducteur, Disney lui a gardé ses dents de cheval), puis elle est partie vers le château dans ses beaux atours blancs, pensant rencontrer le Prince.

Cendrillon

Mais malheureuse ! Dans cette version-là, elle ne l'avait jamais vu auparavant, et il aurait pu être laid, bête et méchant comme Gaston dans La belle et la bête. Mais elle a eu de la veine, Cendrillon : il m'a plu à moi aussi, ce Prince, tout beau, tout grand et tout brun. Et si j'avais su valser, ça m'aurait bien fait plaisir qu'il me fasse valser aussi… Et vous l'aurez sûrement remarqué, ils ne se sont parlés que quand l'horloge a sonné car avant, ils chantaient (ben voyons)… "Les rêves qui sommeillent dans nos cœurs, au creux de la nuit, habillent nos chagrins de bonheur dans le doux secret de l'oubli. Écoute ton rêve et demain, le soleil brillera toujours. Même si ton cœur a l'âme en peine, il faut y croire quand même, le rêve d'une vie c'est l'amour". Et il a fallu que l'horloge sonne ses douze coups de minuit à ce moment-là. Elle n’aurait pas pu en sonner treize non, comme dans Rhinocéros de Ionesco, pour leur laisser le temps de se dire au revoir moins chastement ? Et la pauvre fille, qui a des jambes très fines et l'habitude de perdre ses chaussures, a laissé dans le grand escalier, poursuivie par le Prince, ce magnifique soulier qui ne ressemble en rien à une pantoufle.

L'histoire a voulu que, fort heureusement, quand le charme fut rompu, elle puisse conserver l'autre soulier et quand les hideuses rentrèrent au logis avec leur méchante mère, elles ne pensèrent qu'à dormir tandis que Cendrillon rêvait de cet homme magnifique avec qui elle avait dansé sans savoir que c'était le Prince. Au petit matin, le chambellan du Roi, à qui ils donnèrent une voix assez épouvantable, fit le tour des demeures pour faire essayer cette chaussure à toutes les filles en âge de se marier. Voyant Cendrillon chantonner en esquissant quelques pas de danse, la belle-mère, qui a été très bien brossée, genre "extinction des lumières, plissement des yeux qui comprennent ce qu'il en est et résolution apparaissant dans les prunelles d’un vert glacial", monte doucement l’escalier menant à la chambre de sa belle-fille pour l'y enfermer.

Et elle pleure Cendrillon, elle pleure sur son sort ; mais la gentillesse dont elle a fait preuve envers tous les animaux trouvera là sa récompense. N'oublions pas que nous sommes dans un conte et que si je n'ai aucune envie d'analyser les contes, il faut leur accorder la reconnaissance de tous ces êtres malhabiles qui se sont décarcassés pour lui rendre sa clé, au grand dam de l'ignoble Lucifer. La scène des souris se servant de bougies comme canons que le chat souffle avec sa bouche en cul-de-poule, les jets de fourchettes, tout cela est extrêmement bien fait et je suis réellement émerveillée par le travail effectué par tous ces gens, jour après jour, dessin après dessin, pour nous faire vivre ces scènes à l'heure où le virtuel n'existait pas. Et c'est pour cela que je les aime, les vieux Disney, tout ça nous fait encore rêver.

Pendant ce temps, les demi-sœurs essaient les chaussures : ce sont là, je l'avoue, des moments très drôles entre celle qui cache son grand pied sous sa robe et n'enfile que les orteils ou l'autre dont le pied fait un pont dans la chaussure, et jusqu'à l'apothéose (mot que je replace ici car j'aime bien le rat qui le dit sans arrêt dans Dumbo), c'est-à-dire le soulier qui se brise car la belle-mère fait un croc-en-jambe à celui qui le portait sur le coussin. "Ne vous en faites pas, j'ai l'autre chaussure" dit Cendrillon de sa voix douce. Et la voilà qui enfile sa chaussure brillante (donc celle du pied droit) au pied gauche, d'où mon interrogation : Cendrillon avait-elle deux pieds gauches (mais je peux m'être trompée en visionnant le film) ?

Je reste frustrée car on passe de l'essayage de la chaussure directement à la sortie du mariage et leur entrée dans le carrosse. Aucune transition : on ne les voit pas se dire un mot ni s'embrasser, sauf sur l'image de fin où on la voit uniquement perdre une chaussure ramassée par le Roi qui rougit quand elle lui embrasse son front dégarni (non mais, elle embrasse le père et pas le fils ?!). Je trouve la fin un peu tronquée : ils auraient pu nous montrer la confection de la robe, la cérémonie du mariage (c'est mon côté "collection Harlequin" qui ressort)… De fait, Cendrillon est mon conte préféré et s'il y avait un film de Disney à emporter sur une île déserte comportant tout ce qu'il faut pour le visionner, c'est sans conteste celui-là que je prendrais. C'est une histoire triste au départ qui finit en histoire d'amour et j'aime les histoires qui finissent bien car "si ton cœur est dans la peine, il faut y croire quand même, le rêve d'une vie c'est l'amour".

Cendrillon
Tag(s) : #Cycles, #Animation

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