Steven Soderbergh et son scénariste Scott Z. Burns ont imaginé une pandémie d’un dérivé du virus Nipah (apparu la première fois en 1999 et circonscrit pour l’instant à l’Asie du Sud), puis observé sa rapide propagation à travers le monde avec les conséquences directes et indirectes, à différents niveaux de la société, qu’il entraîne dans son sillage meurtrier. De la plus simple à la plus générale, ces conséquences (peur, deuil, panique générale, contrôle de la situation, recherche de vaccins, enjeux financiers) permettent une démonstration, une vulgarisation de force venant rappeler à nos bons souvenirs ce monde mutant et sympathique (grippe espagnole, SIDA, SRAS, H1N1…) dans lequel nous vivons désormais et pouvant sombrer, en quelques semaines seulement, dans un chaos total.
Soderbergh fait le choix de rester éloigné au possible des films catastrophes lambda pleins d’héroïsme, de gloire et d’effets dantesques ; ici, pas de spectaculaire revendiqué, de sensationnalisme affiché, mais une relative normalité (tranquillité même) face à un mal invisible, omniprésent. Le scénario, à la manière de Traffic, multiplie les points de vue (civils anonymes, États, OMS, laboratoires…) et les colorimétries d’image (comme souvent chez Soderbergh), croise et décroise les nombreuses trajectoires pour brasser à tout va histoires individuelles ou plus globales d’hommes et de femmes pris dans la tourmente de notre époque, avec les qualités (rythme soutenu, accroche efficace) et les défauts (intrigues inutiles, personnages sacrifiés ou peu développés) inhérents à ce genre de narration éclatée.
Sur un sujet d’actualité brûlant hautement plausible traité en grande partie avec un réalisme terrifiant (en tout cas pour un néophyte et/ou un mysophobe déclaré), Contagion manque pourtant d’envergure, d’un souffle prenant ; de fait, la tragédie, pourtant effroyable, qui se déroule sous nos yeux laisse plus ou moins de marbre, indifférent à cette triste affaire, absent finalement à la vision de nos propres erreurs sanitaires et environnementales (pollution, déforestation, nucléaire…). La seule scène vraiment bouleversante est celle où Mitch Emhoff (Matt Damon) apprend la mort de sa femme, terrassée en à peine trois jours.
Le reste, bien interprété, bien mis en scène et bien calibré (musique de Cliff Martinez impeccable, toujours dans le ton), se suit et se regarde sans déplaisir, mais comme si tout était désincarné, lisse, sans aucune émotion venant nous arracher de nos fauteuils. Certes, on pourra faire la fine bouche devant ce film au goût d’inachevé, mais Contagion reste malgré tout un divertissement instructif intéressant (alarmant ?), pas trop manichéen et d’un brio au-dessus de la moyenne.
Steven Soderbergh sur SEUIL CRITIQUE(S) : Ma vie avec Liberace.