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Bip Bip et Vil Coyote

De l’art animé 1/7 - Cartoon


Le désert californien à perte de vue, de la poussière, un soleil de plomb et un silence implacable… Rien ne semble devoir troubler cette atmosphère étrange, lunaire et comme suspendue dans un temps immémorial. Soudain, un véloce cuculidé traverse l’écran à toute berzingue, talonné de près par un coyote squelettique et visiblement très affamé. C’est le départ annoncé d’une nouvelle course-poursuite surréaliste (il y en a eu une quarantaine) entre ces deux zozos rigolos, éternels ennemis (compères ?) jouant à "Attrape-moi si tu peux" sur des routes immenses de pierres et de sable.

Toujours affublés, à chaque début d’épisode, d’un nom latin délirant censé représenter leur espèce animale (Acceleratii incredibus pour Bib Bip ou Apetitius giganticus pour Vil Coyote, de son vrai nom Wile Ethelbert Coyote), ces deux personnages cartoonesques créés par Chuck Jones, dans la droite lignée de Tom et Jerry ou Titi et Grosminet, servent constamment à la simple expression d’une intrigue ultra-linéaire alliant esprit comique et jubilation sadique.

L’aspect répétitif et hautement obsessionnel de ce dessin animé déjanté doit beaucoup à Vil Coyote qui, dans sa quête monomaniaque (et vaine) de savourer à la broche ce satané road runner (en fait un grand géocoucou de Californie), paie plus que de sa personne pour asticoter nos zygomatiques. Broyé, écrasé, piétiné, chutes vertigineuses dans un sifflement suraigu, objets récalcitrants en tous genres (de la célèbre marque Acme), camions ou trains surgissant à l’improviste, rochers, falaises, enclumes, dynamites, c’est l’univers tout entier qui, inexplicablement, paraît se retourner contre ce pauvre Vil Coyote, sans cesse martyrisé par des scénaristes rarement en manque d’inspiration ou de vacheries bien croquées.

Ses stratagèmes complexes et autres pièges machiavéliques (en tout cas supposés comme tels) ne fonctionnent jamais, toujours à retardement ou toujours au mauvais moment. Rollers-skis, faux passage à niveau (mais vrai train quand même), boomerang explosif, trampoline, arbalète ou catapulte géante, costume de road runner femelle, absolument rien ne permet à ce Sisyphe famélique d’accomplir sa tâche désespérément existentielle. Défiant, avec une sublime assurance et une mauvaise foi carabinée, les lois les plus élémentaires de la gravité ou de la logique (Newton et Archimède doivent se retourner dans leur tombe), les mésaventures de Vil Coyote, stakhanoviste du traquenard faillible, procurent encore, plus de 60 ans après, une incommensurable délectation, petit plaisir bête et méchant mais définitivement génial.

Bip Bip et Vil Coyote
Tag(s) : #Cycles, #Animation

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