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MG dans ta face #5

Janvier, c’est là que tout commence, genre origine de l’année cinéma, et sans aucun gros raccourci, origine du monde [Note du patron : "MG, je crois très sincèrement que tu as besoin de faire un break..."]. Janvier 2010 avait mal démarré, Invictus, A serious man, In the air, Une petite zone de turbulences, Le siffleur, Agora... Rien n’avait fonctionné. Seule une femme, Jane Campion, avait réussi à sauver le mois avec son brillant Bright star. Forcément, on croisait les doigts pour ce nouveau janvier en se disant que mettre toutes les chances de notre côté n’était pas une si mauvaise idée.

Conclusion : en janvier 2011, faisons appel à des histoires de femmes pour un succès garanti et, surtout, ne parlons pas du énième film raté d’Eastwood avec Cécile de France (what the fuck?!) et l’acteur américain comparé à Kad Merad pour le nombre de films faits en même temps, Matt Damon. Comme si le vieux réac’ Clint avait besoin de nous prouver qu’en plus de ne pas savoir filmer les salles de boxes, les grosses bagnoles et les matchs de rugby, il ne savait pas non plus filmer l’au-delà. Pour preuve, les effets spéciaux niqués et l’esthétique façon "retour de Lovely bones" (les sachets pour vomir tomberont automatiquement). Passons donc et revenons plutôt à nos gonzesses.

Femme = origine du monde. Origine du monde = janvier. Janvier = Femme.

Tout a commencé le 12 janvier avec la sortie du nouveau bijou de Sofia Coppola. Bien sûr, il y a des saphirs, des diamants, des émeraudes tape-à-l’œil et ringards, mais il y a aussi des perles de culture et Sofia Coppola est de celles-là, discrète, charmante et élégante. Somewhere est sûrement son film le plus triste ; jamais elle n’a atteint une telle beauté dans la tristesse quand ses héros se reposent, allongés sur des transats et que la caméra s’éloigne au son des Strokes, ou quand Stephen Dorff mange son plat de pâtes, seul dans un appart’ plongé dans un clair-obscur contemporain. Somewhere est sûrement le film de la maturité pour Sofia Coppola, elle retrouve la poésie du vide, de l’ennui, d’un homme perdu dans la translation du Château Marmont où les superstars aiment à déchoir.

Elle retrouve également l’incompréhension face à la tristesse qui a mené une bande de jolies blondes au suicide, ou une autre belle blonde (la même en fait) à la débauche luxuriante. Qu’il se balade dans cet hôtel inanimé ou qu’il s’endorme entre les cuisses d’une pouf, Johnny Marco est seul, de cette même solitude qui habite tous les anti-héros chers au cinéma de Sofia Coppola. Somewhere est un film magnifique qui se passe quelque part, longs couloirs, décors de piscine artificiels, jacuzzis trop petits. C’est aussi le film le plus drôle de Sofia Coppola (les textos teintés d’humour noir que reçoit Johnny, les stripteaseuses qui rembarquent leurs barres et éteignent le poste après avoir levé les fesses).

Ceux à qui la poésie ne parle pas, qui ne se laissent pas glisser dans ces voyages oniriques de beautés et de mélancolies, ne trouveront rien d’autre à dire que ces piteux arguments : film de la fille de, film sur du vent d’une bourgeoise orgueilleuse, musique façon jackpot en droits d’auteur pour le mari, film favorisé par un ex à Venise… Des arguments tellement bas qu’il vaudrait mieux ne pas les entendre et qui passent à côté d’un grand film duquel, à l’inverse, il faudrait vanter la photographie, la mise en scène, la poésie et la justesse de la bande originale.

Et si l’on parle de femme encore, on en arrive évidemment à Marilyn Monroe, héroïne par hasard du film Poupoupidou. Là où la critique a incendié Somewhere, elle a crié au chef-d’œuvre pour Poupoupidou (dès fois, on marche un peu sur la tête). Poupoupidou est bien sympa avec ces petits moments d’humour offerts par Jean-Pierre Rouve et Miss Météo de Franche-Comté, mais franchement, pas de quoi sauter au plafond, l’intrigue n’est rocambolesque que pour un auteur qui n’écrit plus.

Et même si, parfois, le scénario délivre quelques moments drôles et originaux (l’ouïe fine de Rousseau, les ressemblances avec la vie de Marilyn), il n’évite pas les lourdeurs (la tenancière gothique de l’immeuble, le mec qui gueule à poil dans l’arbre "Je veux de la chatte !", ou le côté queer que prend, par instants, le film) ni les maladresses, notamment dans le côté tragique de la vie de Candice entre cachetons et grossesse, que la musique relou vient, parfois, surligner inutilement.

Dans le pas bon, je rajouterais aussi certains flashbacks filmés comme une pub de parfum (esthétique télévisuelle trop attendue), et pas pour n’importe quel parfum, le N°5 de Chanel (d’ailleurs, le seul endroit où l’on s’attend vraiment à découvrir un 5, c’est sur le flacon, mais quand GHM s’arrête sur un flacon Chanel, il est… sans étiquette !). Le film de GHM ne dépasse jamais le stade du film vite oublié qu’on tentera de nous vendre comme la pépite française de 2011. En même temps, c’est sûr que si la référence, c’est Les petits mouchoirs (même pas nominé aux Césars, cérémonie vraiment injuste et trop intellectuelle), on part de très loin. Heureusement, Rien à déclarer va sûrement remonter le niveau.

Les femmes sont aussi à l’honneur chez JR qui, après avoir investi le monde, s’était posé à Cannes et dont le film sort, enfin, sur les écrans. JR se décrit lui-même comme l’artiste qui a "la plus grande galerie du monde" et nous propose de la parcourir. Dans son film, il donne la parole à ces femmes dont les yeux, remplis d’espoir, ont envahi les murs du monde entier sous le regard des hommes. Dans son film à la bande-son magnifique (signée Massive Attack), JR dévale les ruelles des favelas, surplombe tous les territoires entre poésie de l’éphémère et monumentalité de l’œuvre ; œuvre proche du land art quand ses portraits se retrouvent sur le toit d’un train parcourant le Kenya comme un messager d’espoir au travers de grimaces, d’yeux brillants, de femmes pétillantes qui ont décidé de prendre les choses en main et de ne pas se laisser faire face à la violence des hommes. Un vrai message de vie et d’optimisme que laissera ce film sur des femmes qui ont eu, l’espace de quelques instants, l’impression qu’on les regardait enfin telles qu’elles étaient. Women are heroes.

Enfin, c’est aussi sur une femme que le film de Denis Villeneuve, Incendies, se concentre. Autant être clair direct franc sans tabou tout de suite maintenant, Villeneuve est aussi subtil qu’un char d’assaut de mille tonnes dans sa mise en scène. Incendies est écrit en gros et en rouge, aussi larmoyant qu’énervant, aussi loupé qu’il aurait pu être réussi (?). Incendies est bancal avec son scénario assez tiré par les cheveux, et jusqu’au retournement de situation final tellement (in)attendu qu’on gueule autant que l’actrice principale. Non sans blague, le truc est aussi discret que la Tour Eiffel dans Paris, et pour nous l’enfoncer bien profond, on n’hésite pas sur le méli-mélo confus du récit, l’esthétique léchée et les mouvements de caméra pénibles. Malgré une intrigue plutôt intéressante, tendance peinture de guerre, le côté mélodrame ne casse pas vraiment la baraque.

Allez, rendez-vous dans quelques jours pour remettre le stock de Césars à Des hommes et des dieux, et surtout à des hommes pour pouvoir remonter ce mois de janvier finalement bien trop féminin.


Publié par MG, démocrate de la critique cinéma, réélu en 2011 avec 100% des voix.

Tag(s) : #MG dans ta face

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