C’est un peu triste, et puis énervant aussi, et puis rageant en fait, ces films avec un potentiel juste énorme, mais incapables d’en faire grand-chose au bout du compte. Dans la maison est de ceux-là : toutes les mises en abîme, tous les jeux de niveaux de réalité que le scénario propose sont systématiquement réduits à peau de chagrin, étouffés dans l’œuf des possibles et des vertiges pour un résultat certes pas complètement désagréable, mais décevant et frustrant. On pressent d’ailleurs, à plusieurs reprises, les pistes troubles et retorses que François Ozon amorce soudain, puis abandonne finalement au profit d’une œuvre gentiment subversive, bien faite, mais banale.
Le choix d’adopter un ton plus proche de la comédie "drama-ludique" que du conte tortueux (et cruel) est un choix comme un autre, mais qu’on pourra tout de même regretter pour peu qu’on ait l’esprit tordu. Tout cela manque d’un brin de perversité et de venin. En l’état, on s’en accommode plutôt bien, surtout grâce aux acteurs. Cette relation à sens multiples (transfert père/fils, enseignant/écrivain, maître/disciple, thème du double, éventuels amants…) entre un professeur de français et l’un de ses élèves, doué pour l’écriture et s’inspirant (ou non) de la vie de famille d’un élève de sa classe pour ses rédactions à tendance voyeuriste, va précipiter chaque personnage du film dans une suite d’événements inattendus.
Ça parle de littérature (évidemment), d’art et de création, de romanesque et de fiction, mais sans jamais aller au-delà des sujets exposés, sans les provoquer, leur tordre le cou, créer au moins une tension, susciter au moins un malaise. Ça convoque aussi Musil, Pasolini, Flaubert, Kafka et Dostoïevski pour dire et souligner les agissements des uns et des autres, les mettre en perspective d’une façon un peu trop schématique, trop flagrante. La fin est ratée (avec un clin d’œil appuyé à Fenêtre sur cour pour ceux qui n’auraient pas saisi la filiation du film, un poil présomptueuse, avec l’univers d’Hitchcock), explicitant d’un coup ce qui était plus ou moins de l’ordre du non-dit et de l’imaginaire au travail pendant tout le film.
Et puis Ozon a mal dirigé son jeune héros (Ernst Umhauer, belle gueule de l’emploi), toujours la moue boudeuse, toujours un sourire en coin ou toujours un regard plissé (ou les trois à la fois) pour surfaire un côté vaguement inquiétant. Luchini est égal à lui-même, savoureux et bavard comme on l’aime, divinement secondé par une Kristin Scott Thomas classieuse. Récit faussement gigogne sur la perception et les certitudes, la séduction et les désirs (enfouis, perdus), Dans la maison effleure à peine les capacités du principe d’interprétation inhérent à toute chose (à ce que l’on voit, à ce que l’on convoite ou découvre), offrant un vague suspens, malin par moments, qui finit par révéler ses couacs et un manque visible d’ambition.
François Ozon sur SEUIL CRITIQUE(S) : Le temps qui reste, Jeune et jolie, Une nouvelle amie, L'amant double, Grâce à Dieu, Été 85, Peter von Kant.