La vague nordique apporte encore du bon après le sublime Morse, les chocs à la pelle de Nicolas Winding Refn et le renouveau de Thomas Vinterberg (Submarino). En revanche, on laissera de côté la saga Millénium, indigeste et sans âme, déjà vieille et oubliée. Daniél Espinosa, avec ce Easy money plutôt réussi (au contraire d’une traduction malheureuse ramenant un titre original qui claque, Snabba cash, à une espèce de sous-produit standard), prend le relais en offrant un polar sombre, nerveux, dont le principal défaut est de venir après les chefs-d’œuvre du genre (Pusher en particulier, dont l’influence est indéniable), ne proposant finalement rien de nouveau en la matière (on est toujours dans les figures imposées) en dépit d’une énergie sûre et certaine, d’une rigueur psychologique à toute épreuve (pas d’humour malvenu, anti-héros violents et torturés) et d’une œuvre évitant le piège de l’énième tarantinade.
Snabba cash, tiré du best-seller de Jens Lapidus, suit trois parcours et trois destins, trois hommes se croisant presque par hasard et pris, inexorablement, dans un engrenage infernal de mort et de sang, celui des mafias, des trafics et du crime organisé. JW, l’étudiant en école de commerce, Mrado, le tueur à gage voulant fuir son clan, et Jorge, dealer en cavale, rêvent tous de conditions, de jours meilleurs, et cherchent désespérément leur place, d’une qui serait, au moins, recevable, permise (parvenir à une reconnaissance sociale, élever sa fille, se racheter auprès de sa sœur et de sa mère), quitte à aller contre la loi et les autres, quitte à tromper, à trahir et à tuer quand il le faut. Dans une Stockholm noire et indistincte, bouillonnante et cosmopolite (Serbes, Arabes, Espagnols, Suédois…), chacun se débat avec ses propres démons, ses envies folles aussi, tiraillé entre fric facile, flou moral, sens de la loyauté et de la famille.
La narration éclatée mais fluide, qui rappelle immanquablement celle des films d’Iñárritu (on pense surtout à Amours chiennes), et passant d’un protagoniste à un autre sans jamais briser le rythme et la compréhension de l’intrigue, permet à Snabba cash de garantir une tension jusqu’à un final incertain (et pas totalement convaincant) ayant le mérite de conclure sur une toute dernière scène ouverte à ce que l’on voudra bien y appréhender. Navigant dans les eaux troubles du banditisme et de la finance internationale (milieux qui, finalement, se rejoignent beaucoup en vue d’un seul objectif commun : faire de l’argent sans difficulté et en toute illégalité), Snabba cash, à la belle photographie multicolore, impose une efficacité et un instinct tranquilles qui savent plaire, mais surprennent peu.