Ça vous est déjà arrivé, vous, d’avoir des prémonitions, des pressentiments très très forts, des sortes de flashs, ce genre de conneries ? Moi jamais, sauf là quand, au bout de cinq minutes de film, j’ai instantanément compris qu’Eva allait être un machin bien naveteux et que j’allais m’ennuyer ferme pendant une 1h30. En plus pas de bol, j’avais oublié de prendre avec moi mon bouquin (La gifle, de Christos Tsiolkas, que je recommande moultement plus que ce film insipide) : du coup, j’en ai profité pour me marrer un peu en zieutant un des mes voisins blogueurs en train de pioncer (un nom, un nom !) ou passer en revue les tâches ménagères qui m’attendent pour ce week-end.
Film insipide donc, aussi insipide d’ailleurs que Daniel Brühl (qui, au demeurant, porte très bien les gros pulls en laine et parle couramment espagnol), momifiant le rôle d’Alex, jeune et talentueux ingénieur en robotique en cette lointaine année 2041, et qui cherche à créer l’androïde parfait et "libre" en prenant modèle sur Eva, sa nièce de 10 ans, espiègle et étonnante. Le premier film de Kike Maíllo brasse allègrement les thèmes chers à Blade runner, Bienvenue à Gattaca, A. I. et tutti quanti, mais sans s’en affranchir, sans proposer quelque chose de neuf, d’au moins surprenant (et sans vraiment le vouloir, apparemment). Eva pose des questions intéressantes puis après s’en tamponne, tout à sa benête histoire de mignons robots jusqu’à un final en mode Tree of life.
Et puis il y a un gros, que dis-je, un é-nor-me problème de scénario : comment Alex, supposé être le plus doué et le plus brillant des créateurs de robots, ne s’aperçoit-il pas, à aucun moment, qu’Eva en est justement un, alors que le spectateur l’a compris au bout d’un quart d’heure (plusieurs signes le suggèrent très rapidement et très fortement) ? Pour un type censé être LE concepteur de la robotique moderne, ça la fout mal. Esthétiquement, c’est assez bien travaillé (vision réaliste d’un futur sans voitures volantes ni ciel noir ni mégapoles inhumaines), mais c’est tellement gentillet tout plein (trop de bons sentiments, trop de pianos, trop de violons…) que ça s’oublie à peine éjecté de son siège et à peine émergé du néant (cinématographique). Question : comment un truc pareil, aussi insignifiant, a-t-il pu gagner autant de prix (à la Mostra, aux Utopiales, à Gérardmer, à Sitges) ?