Il y a, d’un côté, les images sublimées, le rythme apaisé et peu conventionnel du film, de l’autre une morale en creux et la panoplie new age besogneuse. À droite, un film serein et envoûtant, sans excès de mise en scène, étincelant d'une lumière cotonneuse comme dans un rêve (même si l’aspect lueur diffuse et les filtres orangés finissent par agacer), et des images parfois splendides qui citent Bacon (incroyable scène du jugement de l’Inquisition, avec sans doute une référence au Grand Inquisiteur Torquemada), Rousseau, Mondrian et l’architecture andalouse. À gauche, un scénario alambiqué, mal fichu, et surtout une purée métaphorique indigeste. Darren Aronofsky tente de tutoyer Kubrick (2001) et Tarkovski (dans l’ensemble de son œuvre), mais se fourvoie davantage dans un discours mystique abscons où l’allégorie de la vie éternelle est ramenée à une simplification standardisée.
Les thèmes de l’immortalité, du rêve et de l’amour à travers les temps sont intéressants en soi, mais Aronofsky les traite sans qu'aucune réflexion ne parvienne à émerger de la mélasse utopique, ni même quelques interrogations personnelles sur notre rapport à la mort et à l’inconnu. Tarkovski, avec une économie de moyens intransigeante, parvenait plus clairement à évoquer les mystères de l’humain et de la foi en s’extasiant d’une maison qui brûle (Le sacrifice) ou d’un homme traversant plusieurs fois un bassin avec une bougie à la main (Nostalghia). Aronofsky, en filmant Hugh Jackman en position du lotus dans une bulle de savon face à un chef Inca émerveillé, n’arrive qu’à faire sourire et à complètement discréditer son discours, aussi beau et spirituel soit-il.
Darren Aronofsky sur SEUIL CRITIQUE(S) : Requiem for a dream, The wrestler, Black swan, Noé, Mother!, The whale.