Frank est un loser de la plus belle espèce : il a des voisins complètement cons, il est divorcé, sa fille n’a plus vraiment envie de le voir (en plus d’être une peste qui ne mériterait qu’une bonne paire de baffes), il vient de se faire virer et il ne lui reste que quelques mois à vivre (cancer, ô mon cancer). Comme Walter White dans Breaking bad, Frank n’a plus rien à perdre, libre de ses choix et de ses actions. Du coup, le voilà brandissant revolver et fusil à pompe, en croisade contre la connerie humaine dans une Amérique repue de stupidité. En chemin, il va rencontrer Roxy, adolescente paumée, révoltée et encore plus givrée que lui. Voilà donc l’équipée sauvage (et sanglante) en marche à travers les USA, sur les pas illustres de Bonnie and Clyde, Kit et Holly (La balade sauvage) et Mickey et Mallory (Tueurs nés).
Pas aussi trash qu’il voudrait s’en donner l’air malgré ses effets gore, son aspect cheap et sa mise en scène (délibérément ?) ringarde, God bless America a l’apparence d’une grenouille voulant se faire aussi grosse qu’un bœuf. De bête et méchant, le film passe finalement à quelque chose de plus consensuel et de plus anodin. Les vingt premières minutes sont très réussies, drôles et décapantes (le bébé explosé à coup de fusil), puis le film s’engage dans une sorte de routine narrative, puis se dégonfle comme une baudruche. Le fait que Frank et Roxy (Joel Murray et Tara Lynne Barr, des vraies gueules de l’emploi) évoquent trop souvent leurs actes en les justifiant moralement (contre l’intolérance, contre le mauvais goût, contre la bêtise généralisée, contre les fans de Glee ou de Twilight…) en altère la volonté politiquement incorrecte, la force insolente et limite jouissive (on leur donnerait presque raison).
Le film est plus bavard, plus sentencieux que rentre-dedans, Bobcat Goldthwait préférant davantage légitimer le comportement de ses deux anti-héros que les voir véritablement à l’œuvre, un gun à la main et la bave aux lèvres (d’où un côté un peu frustrant, voire hypocrite, l’expédition punitive prenant des allures de manifeste faussement "rebelle" ; même la fin a quelque chose de normatif). En ligne de mire du réquisitoire brandi par le film comme une Bible maléfique, la télé poubelle et sa néfaste influence (nivellement par le bas de la culture, abrutissement des comportements, standardisation de la pensée…) ; on pourra cependant préférer l’absence de subtilité de la première partie (mais beaucoup plus transgressive parce que hargneuse et décomplexée) que la pseudo-réflexion qui s’en suit sur nos vaines sociétés du spectacle et de la violence.