Mix chic, compil’ glamour entre Moins que zéro de Bret Easton Ellis (adolescents friqués et désabusés, sereinement pervers) et Les liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos (trahisons et intrigues amoureuses dans les salons feutrés de la bourgeoisie), Gossip girl, a ne vraiment pas prendre au sérieux, amuse et divertit sans conséquence, aussi délicieux et futile qu’un macaron Ladurée ou une coupe de champagne millésimé. Ça minaude, ça marivaude et manigance, palaces luxueux et bars branchés de l’Uper East Side ont remplacé boudoirs et châteaux dorés de Versailles, et la cour de récréation a des allures revisitées de quelques Cours sous d’illustres monarques.
Il y a la Reine (Blair), le Roi (Nate) et ses courtisanes en minijupes (Vanessa, Jenny, et la sublime Serena dans une moindre mesure…), le paria (Dan) et le conseiller dans l’ombre, amoureux et décadent (Chuck, interprété de façon exquise par Ed Westwick, à la voix trouble et sensuelle, sans doute le personnage le plus intrigant, le plus intéressant de la série). Tout le monde est scandaleusement riche, outrageusement beau (des rôles principaux et secondaires au moindre bouton de porte ou tissu griffé), et chaque épisode donne lieu à une débauche de luxe et de raffinement sous couvert d’un événement particulier (anniversaire, réveillon, bal des débutantes, brunch opulent, soirée pyjamas…).
Prolongeant à sa façon la grande tradition des séries teenages et wasps américaines (Beverly Hills, Clueless, Dawson…), Gossip girl en modernise et pervertit aimablement les règles (tout en restant très loin, par exemple, du réalisme dur de Skins) : on couche plus facilement, on boit sans modération, on dénonce, se moque et se venge par blog et téléphones portables interposés. Dans ce monde huppé où les garde-robes sont aussi fastueuses que les limousines noires, les ados jouent aux adultes (machinations, amours impossibles…) quand les adultes se comportent en ados pourris gâtés, aussi immatures finalement que leur progéniture (tricheries, romance de midinette…).
Sans pédagogie ni morale, Gossip girl est un passe-temps diablement sexy, gentiment récréatif, sacrifiant l’originalité et la profondeur de son scénario à la flamboyance de son esthétique. Tout cela manque sûrement d’une pointe de mordant et d’originalité, mais à l’image de la jeunesse dorée dont elle détaille mœurs et vie quotidienne, Gossip girl préfère ne pas s’en inquiéter, s’envisageant avec aplomb et décontraction jusque dans ses scories.