Cinquième épisode des aventures du sorcier à lunettes, L’Ordre du Phénix est sans doute celui qui présentait le plus d’obstacles pour être parfaitement transposé à l’écran. Le livre est imposant (plus de 900 pages), plus introspectif que les autres, ne repose pas vraiment sur une intrigue impressionnante (pas de monstres, de chasse à l’homme ni de tournoi grandiose) et, surtout, constitue une sorte de transition entre les bases posées par les quatre premiers tomes et les enjeux et conclusions des deux derniers.
David Yates, metteur en scène réputé venu de l’univers télévisuel anglais (State of play, Sex traffic), et le scénariste Michael Goldenberg parviennent toutefois à tirer profit de l’intrigue plus psychologique du livre et à construire une œuvre bancale et anti-esbroufe qui aura forcément ses détracteurs. Le film a des défauts : raccourcis abrupts et ellipses à la hache (cependant inévitables par rapport au matériau de base foisonnant et impossible à retranscrire dans sa globalité), scènes inutiles, interprétation fade de Daniel Radcliffe (Imelda Staunton, en revanche, est délicieuse) et, principalement, une mise en scène standard qui, et cela vaut pour l’ensemble de la saga, uniformise et lisse chaque épisode en le rendant impersonnel au possible (sauf, peut-être, pour Le prisonnier d’Azkaban d’Alfonso Cuaron).
L’Ordre du Phénix constitue pourtant un segment intéressant en conséquence de son "inaction" : excepté le somptueux duel final entre Dumbledore et Voldemort, le film est plutôt avare de scènes spectaculaires et d’effets spéciaux superflus, s’intéressant plus aux questionnements de l’adolescence face à la réalité et à la norme sociale des adultes (abus de pouvoirs, intrigues politiques, presse aveugle…). Il plonge ainsi de jeunes filles et garçons dans un monde devenu pour un temps totalitaire (Poudlard se transforme en régime dictatorial), un monde où l’innocence n’a soudainement plus cours face à la mort et à la haine engendrées par une guerre imminente. Comme le livre, le film constitue un cas atypique dans la continuité des sept chapitres, plus réflexif, plus intime, plus lent. Il ne se savoure pas sur le moment ; sa maturité et son élégance apparaissent et s’imposent bien après, sous quelques oripeaux malhabiles.
Harry Potter sur SEUIL CRITIQUE(S) : Le Prince de sang-mêlé, Les reliques de la mort - Partie 1, Les reliques de la mort - Partie 2.