Alors ce rêve tentant, ça donne quoi ? Après une première partie décevante sur presque tous les plans, sorte de bouillie inerte inutilement étirée comme une vieille peau (de chagrin), l’ultime round potterien a un peu plus d’allure et de consistance, clôturant la saga du sorcier à lunettes sans gloire ni flonflons, mais la tête haute et pleine encore de souvenirs délicieux (le Quidditch, le choixpeau magique, les beuglantes…) qu’il sera facile de se remémorer en se (re)plongeant à l’envi dans les livres. La sombre quête, en noir et gris, de ces satanés Horcruxes est devenue la quête du propre destin d’Harry (puisque lui-même un Horcruxe), tournant définitivement le dos à la magie bon enfant et à la féerie lumineuse des premiers instants, si loin désormais (14 ans pour les romans, 10 ans pour leur adaptation cinématographique).
C’est donc l’heure de se mettre sur la gueule, de régler les comptes et de regarder, une dernière fois, partir le Poudlard Express du quai 9¾ de la gare de King’s Cross. Sauf que la bataille finale tant attendue manque singulièrement d’envergure, réduite le plus souvent à des plans d’ensemble magnifiques qui donnent davantage à observer, à s’émerveiller (les guerriers de pierre, le dôme, le pont qui s’écroule et qui s’enflamme…) qu’à ressentir entièrement l’offensive avec ses tripes et tout son cœur. Il n’y a qu’à voir le combat à mort entre Harry et Voldemort qui n’a pas la puissance ni la beauté de celui, somptueux, entre Dumbledore et Voldemort dans L’Ordre du Phénix. Dans ce feu d’artifice de sortilèges et de destruction, chaque protagoniste met la baguette à la patte, et il y a grand plaisir à voir Neville, professeur McGonagall ou même Molly Weasley en découdre méchamment avec les Mangemorts.
On oubliera très vite l’épilogue raté avec nos héros numériquement vieillis, épilogue par lequel il était, de toute façon, obligatoire et nécessaire de passer pour ne pas décevoir l’attente exubérante des fans. Mais celui du roman avait quelque chose d’ironiquement bâclé, de tristement banal, quand celui du film est franchement niais et inefficace. Terminer sur une note aussi fadasse que le jeu de Daniel Radcliffe n’était sûrement pas le meilleur dénouement à devoir nous imposer, alors que le plan sur Harry, Hermione et Ron, seuls après la victoire devant les ruines fumantes de Poudlard, avait finalement quelque chose de fort, de significatif et même d’incontestable (reconstruire, aller de l’avant, amitié éternelle plus forte que tout).
David Yates et son monteur, comme d’habitude, ont visiblement de larges méconnaissances dans l’art de la construction d’un rythme à tenir, d’une dynamique à élever. Entre tunnels explicatifs et minutes explosives, jolis loupés (Dumbledore et Harry dans une gare de King’s Cross "immaculée") et belles réussites (la scène de la Pensine avec les souvenirs de Rogue), le film est bancal, morcelé, affaibli. Ramené sur deux petites heures, il donne également l’impression d’avoir été fait à la va-vite et, parfois, en fonction des simples impératifs marketing d’une 3D dérisoire. Conclusion mitigée donc, euphorie tiède, apothéose en demi-teinte de plus d’une décennie de légende rowlingienne qui aura considérablement marqué, quoi qu’on en dise et quoi qu’on en pense, tout un pan de l’imagerie et de la culture populaires.
Harry Potter sur SEUIL CRITIQUE(S) : L'Ordre du Phénix, Le Prince de sang-mêlé, Les reliques de la mort - Partie 1.