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Des hommes et des dieux

C’est une histoire vraie inspirée par la tragédie de ces moines trappistes du monastère de Tibhrine en Algérie qui, en mars 1996, ont été enlevés, séquestrés puis retrouvés décapités deux mois plus tard. Les circonstances de leur mort restent, aujourd’hui encore, très floues, on a parlé du GIA, évoqué aussi une éventuelle bavure de l’armée algérienne. Xavier Beauvois se refuse évidemment à n’importe quelle thèse, y préfère l’ombre du mystère pour se consacrer avant tout à ces hommes de foi, à leur intimité, à leur dévotion extrême, qu’il accompagne avec humilité dans le temps et vers l’inconnu.

L’œuvre, ainsi décrite, peut paraître austère et hermétique, mais elle est simple avant tout, en concordance avec son thème, impose un calme, un repli secret, et s’offre à ceux qui veulent bien s’y recueillir, révélant à chaque instant une dimension universelle et plus personnelle aussi. La religion, les croyances (catholique, musulmane) importent peu, finalement ; ce sont des hommes, avec leurs doutes et leurs combats (contre la barbarie, ou plus intimes), qui cherchent d’abord à vivre en harmonie avec les autres (ces gens qu’ils aident) et avec Dieu (ce divin qu’ils adorent). Il y a la mélodie, régulière, des chants et des louanges, le bruit des oiseaux dans les arbres et dans le ciel, du râteau remuant la terre qu’il faut semer, des mots et même des lectures paisibles, et le bruit aussi, soudain, des armes ou des gorges tranchées.

Quand plusieurs ouvriers croates sont tués non loin du village et du monastère, la peur va bouleverser les convictions et les espérances de chacun. Les terroristes sont là, intimident, veulent des médicaments et soigner leurs blessés. Plus tard, la menace grondera davantage et prendra une tournure "politique" dès lors que les moines rejettent l’idée d’une aide ou d’une défense de l’armée. Leur refus de partir (de fuir), d’abandonner les villageois, de se plier à la terreur, n’est en rien une tentation du martyr, un choix pour le sacrifice ; il s’inscrit plutôt dans un cheminement intérieur (puis à la fin extérieur, dans la neige, comme un chemin de croix) de paix et des esprits, et même de l’existence, donnant un sens profond à leur identité, spirituelle autant qu’humaine.

Le film, qui ne cherche ni l’originalité ni la démonstration, et encore moins le prêche facile, est fait de silences et de prières, de gestes quotidiens et de contemplations (d’un paysage, d’un lever de soleil…), de discussions également autour de la liberté, de la mort et de l’engagement. La magnifique scène du dernier souper des moines, accompagné des notes magiques du Lac des cygnes de Tchaïkovski, a largement été commentée, appréciée surtout pour sa force visuelle quand la caméra de Beauvois s’approche et s’attarde sur les visages de ces hommes, épanouis, sereins, comme conscients déjà des ténèbres qui les attendent, mais acceptant cet état de fait avec une grâce inouïe qui emplit soudain l’espace et nos cœurs.

Des hommes et des dieux
Tag(s) : #Films

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