Après Oncle Boonmee, voici un nouveau navet oriental sans vraiment de goût, simplement fade et douceâtre. The housemaid, remake d’un classique coréen quasi-intouchable (pour situer, ce serait comme oser refaire, en France, Quai des brumes ou Les enfants du paradis), parle d’une jeune servante employée par une famille bourgeoise, couchant avec monsieur (qui, lui, aime beaucoup la pipe), se faisant engrosser avec plaisir puis subissant les foudres de madame et de sa mère. C’est que la bonne s’enflamme, littéralement ; elle croit pouvoir accéder à quelques miettes de sociabilité, elle s’en mordra simplement les doigts.
D’où peut bien venir ce manque constant d’incarnation, de vibration, de puissance émotionnelle ? Le film se gargarise de froideur, l’image est atone, l’éclairage neutre, et cette parabole diffuse, tuée dans l’œuf, sur le désir féminin, la maternité et le rapport des classes, assomme beaucoup plus que ne subjugue entièrement. Il n’y a pas d’envies, pas de chocs ni d’éclats, le film se tient sur une ligne rigide à sens unique sans jamais vouloir la franchir, sans jamais la tordre à bien. Im Sang-soo cherche à prêter du style et de la profondeur à son film pour pouvoir s’émanciper du lourd héritage de l’œuvre inaugurale, mais peine à figurer les intentions de son intrigue (et de sa mise en scène) par trop d’afféteries qui semblent ne mener à rien.
Plus de perversité et de rythme en aurait fait, à coup sûr, un cauchemar vénéneux, une espèce de thriller mental tordu. Las ! On s’ennuie ferme comme devant un téléfilm étriqué qui se donnerait des airs supérieurs, on compte les gens qui piquent du nez, on s’étire comme on peut, on admire les décors et leur inquiétante étrangeté, rétros modernes avec un je-ne-sais-quoi de cheap et de factice. Avec l’arrivée de la belle-mère en seconde partie, le film s’enlise dans une psychologie facile et creuse, terminant de saper le vague intérêt qu’on pouvait lui accorder.
Les deux dernières scènes, absurdes et superbes, viennent, mais trop tard, brutaliser le tout telle une gifle qu’on n’attendait pas (ou qu’on n’attendait plus). On imagine alors, pris d’un vertige, d’un rêve léger de quelques secondes, Takashi Miike, Park Chan-wook ou même Kim Ki-duk s’emparer d’un tel projet et en faire quelque chose de plus fou, de mille fois plus cinglant que ce tableau figé, glacé, d’où rien ne surgit pendant longtemps sinon le sentiment d’une immense déception.