Emmerdant tel un gros nuage de pluie qui se serait installé au-dessus de votre tête, et uniquement la vôtre, The killer inside me brasse assez platement les façons et les genres, exercice de style, hommage au film noir, aux frères Coen beaucoup (Blood simple, Fargo, No country for old men…), sans que l’on sache vraiment si l’affaire est bien sérieuse, un simple foutage de gueule ou un ratage sur toute la ligne (voire les trois à la fois, mais là, ça serait très très méchant d’affirmer une chose pareille).
Le film déploie de brefs instants de barbarie pure (mais assez vaine) qui ont fait gentiment piailler au dernier Festival de Sundance, et immerge le tout dans un rythme mou, mal exploité, une mise en scène qui n’inspire rien sinon un détachement progressif à l’œuvre, et une intrigue finalement très consensuelle de meurtres et de chantages qui sent le réchauffé à des kilomètres à la ronde.
Casey Affleck a toujours autant de talent (celui-ci n’est, d’ailleurs, nullement à remettre en cause dans l’échec du film) et toujours, aussi, ce timbre de voix si particulier, indéfinissable, saisissant ; pourtant son personnage de tueur (supposé) brutal et inquiétant n’émeut, n’intéresse, ne surprend guère (Dexter, Lecter, Patrick Bateman et bien d’autres sont déjà passés par là avec beaucoup plus d’allure et de prestance), reste comme à l’écart de nous, froide et lasse figure n’offrant que peu de vertiges car maladroitement et/ou un peu trop définie dans sa cruauté initiale (vagues traumatismes d’enfance, mère masochiste).
Étrange paradoxe alors que ce film de Michael Winterbottom, réalisateur insatiable et touche-à-tout, qui propose une réflexion sur le mal en chacun de nous, banal, primaire, terriblement humain, via un personnage désincarné laissant complètement impassible. The killer inside me peine trop souvent à nous impliquer dans son processus d’observation, de raisonnements et de rebondissements, à rendre palpable cette folie intérieure, opaque, qui ravage tout (et l’incendie final ni changera rien), cet engrenage de violence et de désespoir dans lequel Lou Ford, minable shérif psychopathe, s’est lui-même (r)enfermé… L’ennui est là, fuyons bravement.