Dans ce monde cruel qu’est l’adaptation cinématographique d’une série télé, ressortir des vieux cartons L’agence tous risques, série bon enfant mais pas franchement inoubliable à part son générique culte, avait tout de la sale blague marketing plombée d’avance (que de cris et de larmes en repensant, parmi tant d’autres, à Starsky et Hutch, Wild wild west ou Le saint). Mais surprise et que nenni : ce hard reboot a plutôt fière allure et, en faisant fi d’esprit cartésien et de toutes velléités auteuristes, il devient difficile de résister à ce spectacle formaté mais über sympathique.
Reprenant l’intrigue de l’épisode pilote de la série, remise au goût du jour parce qu’il faut savoir vivre avec son temps (guerre du Viêtnam vs guerre en Irak), Joe Carnahan et ses scénaristes s’amusent à nous amuser en surchargeant de chromosomes XY le moindre dialogue, la moindre péripétie et la moindre de nos attentes. À croire que ce cœur tendre de Carnahan, qui avait claqué la porte du tournage de Mission : Impossible III pour "divergences artistiques", se venge aujourd’hui en ringardisant d’un claquement de doigts la franchise de Tom Cruise avec ce A-Team foldingue et explosif (la scène du char en plein ciel, énorme).
Si les séquences d’action, qui s’enchaînent dans une totale démesure, sont parfois brouillonnes et pas très lisibles (n’est pas John Woo qui veut), si les ellipses à la hache camouflent mal un scénario en roue libre, si le laïus sur Gandhi est plus ridicule qu’inspiré, c’est en revanche un sans-faute pour la dose de spectaculaire et le casting en or massif (d’ailleurs, où est passée la tonne de breloques de Mister T. ?). Les quatre têtes d’affiche font les bouffons avec panache et un sourire d’enfant mal élevé, contents de leurs âneries et visiblement heureux de participer à ce foutoir souvent bête et méchant, toujours décontracté, carrément délire.
Dans la famille blockbuster décérébré, L’agence tous risques s’impose ainsi comme un modèle qui a tout compris des ficelles et des ambitions du genre, pas très loin finalement des gros joujoux régressifs de Michael Bay. Le tout mixe et remixe punchlines bien senties, alchimie et étincelles (Jessica Biel et Bradley Cooper, une évidence), et scènes poilantes comme la drague de la journaliste française, Futé en prison comme s’il était dans un 5 étoiles ou Looping se balançant à une pale d’hélicoptère en fredonnant You spin me round de Dead or alive ; c’est la grande classe sans une once de raisonnable (et c’est tant mieux).