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Les larmes du soleil

Copieusement critiqué par une large partie du public et par une presse toujours prompte à dégainer un anti-américanisme de bon aloi (mais pas toujours opportun) dès qu’elle entraperçoit ne serait-ce qu’un centimètre de drapeau étoilé, Les larmes du soleil a grandement souffert d’une méprise éthique quant à son message apparemment pro-américain. Beaucoup n’y ont vu que la flatterie propagandiste d’une armée vaillante et courageuse, mais qu’auraient-ils dit si ces mêmes militaires avaient été d’une autre nationalité, s’ils avaient été algériens, espagnols ou même français ?

Auraient-ils osé voir, en cette simple mission de secours d’une doctoresse travaillant pour une organisation humanitaire (et de quelques réfugiés nigérians), le soi-disant plaidoyer écœurant d’un pays venant seul au secours de tout un peuple que l’on massacre, là où le reste du monde s’avoue impuissant, s’oublie dans d’interminables palabres (les États-Unis en premier) ? Qu’avaient-ils donc en tête et dans les yeux pour croire à une telle intention, pour y déceler une telle arrogance, un tel patriotisme outrancier ?
 Les larmes du soleil opte pour une retenue volontaire, et non pour une rengaine pro-militariste que d’autres s’évertuent très bien à idéaliser ; le groupe de G.I.’s est loin des poncifs existants, curieusement tolérés dans d’autres films de guerre (pas d’allégeance à la patrie, pas de camaraderie virile, peu d’échanges verbaux sinon professionnels), et l'expédition de sauvetage n’a rien d’un parangon de réussite, mais s’apparente plutôt à une débâcle se terminant dans la douleur.

Au-delà d’une fiction qui fait fi d’un héroïsme trop exalté, le film rappelle (et condamne) une aide internationale fantoche laissant à l’abandon un continent démuni où plusieurs pays sont en proie à des exactions génocidaires (et plus clairement dénoncée dans le poignant Shooting dogs). Cette belle œuvre de Fuqua, sobre et puissante, gagnera sans doute une respectabilité tardive, en tout cas méritée pour celles et ceux qui savent ou sauront y voir autre chose qu’une épopée guerrière racoleuse, mais bien l’éloge discret d’un humanisme finalement commun (et encore possible) face à une sauvagerie sans nom.
 

Antoine Fuqua sur SEUIL CRITIQUE(S) : L’élite de Brooklyn.

Les larmes du soleil
Tag(s) : #Films

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