Tiré d’un roman de Tom Perrotta, Little children a des faux airs d’American beauty : voix-off, musique de Thomas Newman, personnages borderline, névroses et pulsions refoulées, banlieue chic et ennuyeuse d’une ville américaine modèle. Un homme et une femme amorcent le début d’une relation adultérine tandis qu’un pédophile, tout juste sorti de prison, revient vivre dans les alentours. Il y a aussi un ancien flic désabusé, des maris absents et des desperate housewives alanguies, amères et paumées... C’est l’été, l’ambiance est orageuse, délétère et vénéneuse, presque surnaturelle ; il y a comme des micro-drames qui couvent depuis trop longtemps partout dans les maisons, prêts à violemment exploser.
Dans cette atmosphère étouffante, Todd Field saisit au mieux les tentatives d’échappatoires de personnages veules et cependant si humains ; l’adultère pour certains, la rédemption pour d’autres (physique ou morale). La fin, étrangement taxée de moralisatrice, est plutôt banalement réelle et donc plus forte car plus consternante. Face au choix proposé d’un renouveau, les amants cèdent à la lâche complaisance d'un retour à leurs mornes habitudes et vers leur famille pourtant gangrenée par l’ennui et les non-dits. Le pédophile, en s’infligeant ce que la plupart rêvait de lui faire, n’aura sans doute pas guérit de ses pulsions ; le mal est dans la tête, il est avant tout intérieur. Ce personnage est d’ailleurs le plus touchant et le plus marquant, et il procure au film ses scènes les plus fortes : une excursion à la piscine filmée comme un remake des Dents de la mer (scène drôle et terrifiante à la fois), un blind date pathétique avec une maniaco-dépressive, un excès de rage et de colère face à la perte d’un être cher...
Jackie Earle Haley, d’une incroyable présence, mérite les honneurs. Avec son physique impressionnant, mi-fascinant, mi-dérangeant (visage émacié, bouche délicate, voix suave et yeux bleus acier qui vous transpercent sans égard), il offre une interprétation subtile et bouleversante d’un personnage pourtant sans attrait. Le reste des acteurs est à l’avenant, magnifiques, tout comme la mise en scène, la musique et la photographie. Le film distille, longtemps après sa vision, comme un poison comique, malsain et teinté d’émotion. Sous son allure austère de peinture sèche d’une société malade, ce chef-d’oeuvre cynique et discret propose une radiographie troublante de nos petites vies perdues entre compromis conjugaux, moraux et sociaux, et soif de liberté inavouable.
Todd Field sur SEUIL CRITIQUE(S) : Tár.