Elle s’éblouit d’une nouvelle fenêtre posée dans l’après-midi, lui s’émeut d’un morceau de violon qu’elle joue de dos, par timidité ou humilité sans doute. On dirait presque que leur idylle commence comme ça, sur un petit rien, un hasard, et leur rencontre également qui n’en sera pas vraiment une, plutôt un rendez-vous manqué, un tremblement, à peine un frémissement dans l’immobilité de leur quotidien, lui marié, un fils, une femme très gentille et un père vieillissant dont il faut s’occuper, elle la fille dont on préfère la sœur qui a réussi, seule et sans attache, sans mari, sans enfant, comme sans histoire et sans souvenir, éventuellement un mystère dans la douceur de cet été.
Leur rencontre aurait pu déboucher sur un tourbillon, une passion sans saison, sans raison, une histoire d’amour belle et simple parce que révélée soudain à travers l’habitude des jours trop lourds qui vous fait ne plus flancher, ne plus dévier d’un chemin, ne plus aimer à nouveau. Mais ces deux-là se manquent, se dérobent, s’esquivent pour quelques mots malheureux qui font tout s’en aller, s’effleurent au début puis s’unissent le temps d’une étreinte en fin de journée quand le soleil est bas à travers les volets, et se soustrayant enfin, mais peut-être se reverront-ils un jour, sur un quai de gare.
Le film de Stéphane Brizé (réalisateur discret, révélé au cinéma en 1999 avec le très beau Le bleu des villes) est finalement à cette image, contenu et trop sage, lisse comme du verre poli qui rejette opacité et rugosité, passant lui aussi à côté d’un quelque chose qui emporte tout, leurs corps, nos cœurs, d’une œuvre brûlante, touchante malgré la justesse du trait et de l’interprétation (Sandrine Kiberlain est superbe, solaire et émouvante). Le film est fait de silences, de regards à la dérobée, d'intérieurs et de lumières, de modestie et de larmes scintillantes, glissées doucement à l'avant d'une voiture. À la fin, Barbara, sur la terrasse, résonne de sa voix velours dans l'air du soir, elle dit "beau temps pour un chagrin que ce temps couleur d'ombre. Je reste sur le quai, mon amour (...) Quand tu me reviendras, avec les hirondelles, car tu me reviendras, mon amour, à demain...".
Stéphane Brizé sur SEUIL CRITIQUE(S) : La loi du marché, En guerre.