Chers fidèles lecteurs et chers infidèles lecteurs (le masculin l’emporte sur le féminin, donc bon…), je viens mettre ici un terme à mon absence prolongée : bientôt deux mois que je vous ai laissé seuls telles des brebis égarées, le berger ayant fuit vers d’autres terres plus hospitalières [Note du patron : "Tu sais ce qu’elles te disent, les terres inhospitalières ?"]. Non, en fait, la vérité est beaucoup moins poétique et romantique, que dis-je, romanesque, c’est juste que je n’ai pas eu le temps de m’ennuyer depuis que j’ai dressé le bilan de l’année dernière. Oui, vous êtes les lecteurs de mes récits ennuyés (moins qu’ennuyant je l’espère), et là par exemple, je m’ennuie grave. Chers infidèles, je vous écris donc.
En même temps, s’ennuyer en ce début d’année, surtout si on parle cinéma, n’est pas très difficile : mais qu’est-ce qu’on se fait c-h-i-e-r… Depuis Intouchables, on a carrément plus rien à se mettre sous la dent, c’est dire le marasme malgré les bons coups de reins de Kassovitz. Ah si, les César quand même, avec un des "meilleurs" crus depuis longtemps : un prix technique à L'Apollonide (celui des costumes pour des catins en jupons), un prix à Michel Blanc, plutôt étonné de recevoir un prix pour son rôle dans L'exercice de l'État, un film très bien (oui Michel, ça faisait tellement longtemps que tu ne jouais plus que dans des comédies à la con, mais c’est comme tout, on y prend goût), et on remerciera aussi le prix du montage pour Polisse qui, justement, a un des montages les plus inconsistants de l’année, et on n’oubliera pas non plus de féliciter Mathilde Seigner pour nous avoir épargné son (gros ?) cul, mais sa connerie par contre, ça on y a encore droit.
Et enfin, clou du spectacle, c’était le César pour LA Bérénice qui le voulait vraiment vraiment tout en n’y croyant pas (c’est sympa les gars d’avoir fait une bonne action, et c’est déductible des impôts sinon ?). Et enfin encore, de couronner un noir juste comme ça pour le fun, trop rebelles les César ! Ça doit pas être facile à digérer pour Dujardin que de se faire voler la vedette par un noir, qui plus est même pas acteur. Et euh… Pourquoi The tree of life ne faisait pas parti des meilleurs films étrangers, hmmm ? Crotte zut alors ! C’était un moyen tellement sûr d’avoir VRAIMENT un "meilleur" cru…
Bon, à part les César, toujours aussi drôles et aussi piquants (rires), ce début d’année n’a pas fait bander grand monde. Faut dire aussi que devoir se farcir Louise Wimmer, téléfilm sur la France d’en-bas façon "drame socialo-bobo" où le seul moment intéressant du film est quand Louise la ferme enfin et embrase la caméra sur la skyline d’Aubervillouche au rythme de l’assourdissante Nina Simone, c’est dur, et on se dit aussi que le film est un peu passé à-côté de quelque chose (mais quoi ?). Pourtant, au même moment, Une vie meilleure ne crevait rien du tout à l’écran. Le meilleur rôle de la vie entière et meilleure entièrement de Canet, si on en croit les "critiques". Et, apparemment, ça suffit pour présider les César, main dans les poches et valises sous les yeux. Et au milieu de tout ça, il y avait Elles, genre petites ado-putes face à la grande bourgeoise Binoche. Mais les requiems surjoués n’arrivent jamais à faire décoller l’ensemble. Au mieux, le film est digne d’une mauvaise série Canal+.
Mais c’est pas fini : le cinéma hors préférence nationale ne nous a pas fait kiffer non plus. Take shelter, La dame de fer, La taupe, pas de quoi gueuler plus fort que Tarantino, couilles molles et viiiveuh leu cinémâ ! Et parce que je ne critique JAMAIS sans raison et sans arguments, je dirais que Take shelter est l’un des films les plus ennuyeux de cette année (même si on est qu’en février), mais c’est forcément parce que j’ai dû loupé la chronique profonde de la société américaine, oui, forcément. La taupe est un film à part, profondément fastidieux et tarabiscoté pour pas grand-chose, mais dont la mise en scène, les cadrages, les travellings, le goût du détail et la musique de fin vous ravissent les yeux et les oreilles sans parvenir à créer un pur plaisir de cinéma. Pas grave, La mer de Julio Iglesias suffira pour réactiver chez nous des pulsions de petites pucelles.
Sans transition, la charmante Margaret nous emmerde profondément elle aussi, et heureusement qu’elle n’a pas connu le tout petit petit Nicolas S., car en mode "tandem brise-burnes", on n’aurait pas pu faire mieux avec ces deux-là (ce qui est regrettable également, c’est qu’Angela M. n’a malheureusement pas le physique thatchérien, mais on aura droit à son biopic un jour, pour sûr). Parlons un peu du film : La dame de fer est un sous-La môme où il ne manque plus que "Non, rien de rien, non, je ne regrette rien" et la maintenant MILF Marion Cottillard en guest de luxe pour saboter davantage l’entreprise.
Je ne peux quand même pas terminer cette chronique ainsi (sur Cotillard), alors pour ceux qui ont eu le courage d’arriver jusque-là, je vais parler du SEUL film qui m’a réjoui depuis ce début d’année : Il n’y a pas de rapport sexuel, le documentaire de Raphaël Siboni. La vraie (ré)jouissance de ce film, c’est qu’il n’est pas qu’un simple making-of de film porno, mais une œuvre conceptuelle plus proche de celle d’un vidéaste que celle d’un metteur en scène, et dont la force et le talent du montage du premier n’a rien a envier au second. Portrait troublant d’un mégalomane jouant des chairs et des images dans le huis clos de son appartement aux senteurs de sperme, manipulation des désirs et des fantasmes, des corps et des esprits jusqu’à la mise en abîme de la caméra du making-of censée récupérer les images de manière neutre, impartiale, objective : bienvenue dans le théâtre du gonzo où acteurs pornos et amateurs se rencontrent (et plus si affinités), portraits à la fois émouvants, drôles, cyniques, terriblement tristes et pas seulement simulés.
Bon allez, rideau les p’tits loups. Espérons d’ici là que Bullhead et Cloclo nous aient rabiboché avec le cinéma français et que Dujardin ait avalé de travers son Oscar à force de lécher le cul d’Harvey Weinstein.
P. S. : Le Millénium de Fincher a quand même de la gueule...
Publié par MG, le critique docile et obéissant bientôt disponible sur iPad.