Il y a ce côté féroce, radical (pas d’humour, violence sèche, deux flics qui se parlent peu), ces fusillades grandioses, il y a Gong Li aussi, sublime, intense dans la scène où elle découvre que Farrell est un flic. Bien sûr il y a des scories, la musique ringarde à chaque scène "érotique", les ficelles scénaristiques, les scènes inutiles, le jeu nul et insignifiant de Farell et Foxx (ou intériorisé et minimal, au choix). Mais l’enjeu du film est ailleurs, autre que celui d’un polar annoncé sur deux flics infiltrés dans un cartel de la drogue. Au-delà des fautes de goût et des ratés, il y a un trou noir sidérant, une épure graphique qui fend. Depuis Le sixième sens, et surtout depuis Heat, le cinéma de Mann s’est sans cesse révélé (quitte à passer pour une tendance à la désincarnation) comme un exercice stylistique moderne parvenant à rattacher les espaces et leur essence aux émotions des personnages telle une cosmogonie sentimentale, créant un vertige émotionnel qui amène à nous interroger sur notre rapport à l’architecture du monde.
Pour se faire, Mann fait correspondre les pleins et les vides, les surfaces et les lignes, l’extérieur et l’intérieur, questionne le noir et la nuit, le crépuscule et l’aube, les lumières et les couleurs jusqu’à leurs infimes variations. Cette entreprise esthétique, pleinement aboutie depuis Collateral, trouve ici un nouveau parachèvement magnifique. Comme Mission : Impossible 2, comme La guerre des mondes, Miami vice, sous ses allures de blockbuster attendu et sophistiqué, est un grand film malade, laboratoire formel où l'art du metteur en scène, à son apogée, traduit sa vision du monde et sa façon de l'appréhender.