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Millénium : Les hommes qui n'aimaient pas les femmes

Quand on a lu le roman de Stieg Larsson, vu la première adaptation minable de Niels Arden Oplev puis la série télé qui a suivi, qu’on connaît déjà l’histoire, les rebondissements, les scènes choc, les vérités enfouies et la conclusion pas vraiment concluante, pourquoi diantre aller voir cette nouvelle mouture Millénium estampillée Hollywood ? Très simple : parce que David Fincher, et parce que Daniel Craig (la force tranquille), parce que Rooney Mara (impressionnante et fascinante comme l’était Noomi Rapace dans le rôle emblématique de Lisbeth Salander), parce que Jeff Cronenweth, parce que Trent Reznor et Atticus Ross aussi.

Autre question : tous ces parce que suffisent-ils à faire un bon film ? Assurément non, et Fincher, qui a pourtant révolutionné le film de serial killer avec Se7en et était parvenu à magnifier le scénario, très basique, d’Andrew Kevin Walker, s’en tient ici à une traque jamais originale ni vraiment prenante, sans pouvoir se départir du script chargé de Steven Zaillian. Fincher fait moins que ce que l’on pouvait attendre de lui, c’est-à-dire quelque chose de plus fébrile, de plus libre, de plus convaincant, et surtout de moins figé (en même temps, avec cette intrigue kloug concoctée par Larsson il y a plus de cinq ans, difficile de faire dans la dentelle).

Passé un générique superbe mais un brin accessoire, les enjeux sont longuement installés (plus d’une heure), alternant de façon conventionnelle les deux trajectoires du journaliste en disgrâce et de la punkette revancharde avant la rencontre électrique (et attendue). Leur relation est évidemment le centre névralgique du film, si bien qu’avant de les voir à poil dans le même lit, eux les parias des médias et d’une société sans cesse corrompue, on s’ennuie pas mal malgré les efforts de Fincher pour insuffler de l’énergie à son film. Ce qui est assez ironique finalement dans l’histoire, c’est qu’Arden Oplev s’échinait à donner à son Millénium un rythme et une allure calqués directement (maladroitement) sur les petits et grands noms du thriller américain (avec Fincher en tête évidemment) pour faire style genre j’ai du style.

Que Fincher se retrouve à réaliser un remake d’une copie qui le copiait (alors qu’il devait mettre en scène le pavé de Larsson bien avant Arden Oplev), c’est plutôt con et d’un intérêt assez limité, non ? Il serait curieux, à l’instar des deux versions du Funny games de Michael Haneke, de projeter les deux Millémium en même temps pour s’apercevoir que rien n’est réellement différent dans la réalisation, mais davantage dans les choix esthétiques, dans l’emballage (plus violent, plus dark) et sur quelques points scénaristiques : pas de quoi s’affoler donc, ni de se pâmer à l’unisson.

Et puis Fincher est plus convaincant quand il fait le "faiseur" sans chichi, plus passionnant quand il tente, expérimente, s’amuse avec le spectateur et le manipule à sa guise (Se7en, The game, Fight club, Panic room) que quand il cherche à raconter une histoire à tout prix, quitte à perdre de sa superbe et de son sacré caractère pour une soi-disant maturité (Zodiac, Benjamin Button, The social network) et une soi-disant efficacité, acquise en réalité depuis bien longtemps (revoir Alien³ et le comprendre). Sur Millénium, sa mise en scène est carrée, programmatique, à peine trop lisse. Du bon savoir-faire, c’est évident, mais un peu (beaucoup ?) comme si Fincher se reposait désormais sur ses lauriers et sa réputation de cinéaste incontournable sans vouloir se (re)mettre en danger.


David Fincher sur SEUIL CRITIQUE(S) : Se7enZodiacThe social network, Gone girl, Mank, The killer.

Millénium : Les hommes qui n'aimaient pas les femmes
Tag(s) : #Films

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