Bonne séquence d’ouverture (avec un impressionnant tranchage de gorge à la clé), puis incroyable générique, sans doute l’un des plus beaux de ces dix dernières années, où New York se retrouve géométriquement mis en abyme : les cinq premières minutes de Mirrors laissent pressentir une œuvre originale et serrée, forte et a priori sans concession, Alexandre Aja ayant su ravir et enthousiasmer les amateurs du genre avec ses deux précédents films (Haute tension en particulier). La suite ne garde malheureusement rien de l’impact promis par l’introduction mais se laisse néanmoins savourer avec indulgence et plaisir coupable (terrifiante scène dans la baignoire), train-train fantôme se perdant dans les procédés communs du film d’horreur et les clichés increvables du cinéma (quand cessera-t-on de tolérer pigeon, chien et chat intempestifs sur les plateaux de tournage, surgissant brusquement dans le champ de la caméra sans plus faire peur à personne ?).
Les déambulations nocturnes de Ben Carson (ex-flic alcoolique devenu veilleur de nuit) dans les couloirs d’un grand magasin calciné deviennent assez vite ennuyeuses, en dépit d’étranges visions provenant des innombrables miroirs hantés par de sombres secrets. Le scénario parvient cependant à s’extirper de son décor monumental qui verrouillait un peu trop l’action en s’attachant, dans sa seconde partie, à l’enquête extérieure autour de l’origine des phénomènes paranormaux avec, en parallèle, la menace grandissante qui pèse sur la famille de Ben. La puissance maléfique des miroirs et leur caractère esthétique (métaphorique aussi) ne sont pas complètement exploités par l’intrigue qui suit son bonhomme de chemin jusqu’à une résolution sans surprise, sempiternelle histoire d’asile psychiatrique et de possession démoniaque (le combat final frôle le ridicule et le twist de dernière seconde est totalement prévisible).
Il y a également le problème Sutherland : sobre et égal à lui-même, celui-ci souffre pourtant du syndrome Jack Bauer (trois "Damn it!" prononcés). Ce n’est pas Ben que le spectateur, fan de 24, voit à l’écran, c’est Jack, ses tics, sa façon de parler presque en murmurant, sa façon de crier, de tenir son arme ou son portable… Bauer a vampirisé Sutherland à un point que ce dernier pourrait tout aussi bien incarner un gay, un paraplégique ou même un extraterrestre, rien n’y ferait ; c’est l’image de Jack qui prévaut aujourd’hui à la représentation de quiconque. Honnête divertissement envahi par trop de musique surlignant chaque effet, chaque mystère, chaque scène d’angoisse, Aja donne l’impression d’avoir sacrifié beaucoup de son "indépendance" au profit d’un produit terriblement formaté, surprenant à quelques rares instants, mais ordinaire le plus souvent.
Alexandre Aja sur SEUIL CRITIQUE(S) : Piranha 3D.