Série subversive et (presque) anti-consensuelle, Nip/Tuck suit le parcours de deux chirurgiens plastiques à Miami (puis Los Angeles) entre peines de cœurs et coucheries, problèmes familiaux et paternité difficile, clients déjantés et opérations esthétiques gores. D’abord reçue avec interrogation et dégoût, la création féroce de Ryan Murphy s’est finalement imposée comme une pièce maîtresse dans l’univers impitoyable des séries américaines. Ainsi, Nip/Tuck sait intelligemment allier le grivois à l’intime, la quête de sens aux plaisirs divers de la chair (le plus souvent maltraitée) : rôle et place de la famille, du père, filiation personnelle et professionnelle, responsabilités, divorce, remises en question, mais aussi, donc, le versant décomplexé, soit drogues, sida, adultère, dépravation, meurtres, pornographie, homosexualité ; en premier lieu, la série s’est surtout faite remarquer par ses excès.
Après deux excellentes premières saisons, les saisons suivantes ont perdu de leur superbe. La révélation de l’identité du Découpeur s’est révélée grotesque et décevante, les intrigues parfois trop rocambolesques, les bons sentiments affleurent sans cesse et nos médecins semblent à la limite de rentrer dans le rang au profit d’un retour à la "norme" moins intéressant (mariage, acceptation de soi, rejet de l’autre parce que différent). Certes, les personnages évoluent, apprennent à mûrir, mais tout cela ne fonctionne pas correctement, et pour une série qui se veut au-delà du bien-pensant, le mieux est d'aller jusqu'au bout de sa malpolitesse et de sa liberté de ton sans chercher à apitoyer.
La saison 4 est revenue (un peu) au niveau des deux premières, plus mordante, moins aimable. L’histoire du trafic d’organes finit cependant par sombrer dans le caricatural, malgré une Jacqueline Bisset tout en machiavélisme, et le retour d’Escobar sent le réchauffé. Les intrigues autour de Conor et de Marlo sont en revanche mieux traitées et plus passionnantes. Le déplacement de Christian et Sean à Los Angeles, à partir de la saison 5, a permis un semblant de second souffle, vital et nécessaire pour une série qui commençait à se perdre dans une routine scénaristique appauvrissante et vertueuse.