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Oh boy

C’est vraiment pas sa journée, à Niko. Dès le réveil, il rompt avec sa copine qui ressemble à Jean Seberg (mais en brune) dans À bout de souffle, le psychologue le prend de haut et refuse de lui redonner son permis de conduire (Niko a connu plusieurs états d’ébriété, ça ne pardonne pas), sa carte bleue est avalée, le café est trop cher, le voisin du dessus est sans gêne et casse-pieds, son père le prend de haut aussi et le met face à ses responsabilités… Ce pourrait être l’histoire d’un type pour qui rien ne va aujourd’hui et qui veut juste un café, mais qui n’y arrive pas. Un type confronté à l’immobilité de sa vie, sans parvenir à saisir, à comprendre d’où vient le problème (lui !), en tout cas sans parvenir à y remédier enfin.

On pense aux glorieux débuts et aux périodes fastes de Woody Allen ou de Jim Jarmusch (beau noir et blanc, musique jazzy somptueuse et entêtante, héros largué, humour pince-sans-rire, ironie désabusée…), mais Oh boy sait s’affranchir très vite de ces encombrants modèles. On pense aussi à la Nouvelle Vague avec un tournage qui paraît avoir été fait au hasard, d’abord par envie, par bravade, en fonction des événements qui se présentent (une sorte de brise naïve et de douce liberté soufflent constamment sur le film), et puis à Oslo, 31 août avec ce jeune héros qui ne sait pas quoi faire de sa vie, errant dans un Berlin amoureusement filmé par Jan Ole Gerster comme l’était Oslo par Joachim Trier.

La fantaisie d’Oh boy, pétillante et précise (le film dure à peine une heure et demi), vient se nicher dans de multiples détails, burlesques, cocasses parfois, un peu bizarres également (la photo sur le bureau du psy, le voisin dépressif avec ses boulettes de viande suspectes, l’assistant du père, les deux contrôleurs du métro, le café impossible à avoir…), et qui permettent à Gerster de ne pas noircir ni d’appuyer la déroute existentielle de ce garçon en bute contre son destin et bien incapable de le maîtriser (trop oisif, trop indécis, trop éternel adolescent, trop dépendant des autres). Destin qui, en écho, vient se rappeler à celui d’un pays pas encore en paix avec son sinistre passé (la rencontre avec le vieil homme dans le bar qui se remémore la Nuit de Cristal).

Oh boy préfère l’insouciance à l’application, la légèreté de ton aux grands discours et aux grandes intentions. On pourra maugréer, râler pour la forme, s’en attrister éventuellement, et passer à côté de ce petit plaisir qui sait si bien, et avec tendresse, capter cet air du temps où tout semble incertain. Portrait drôle, et même émouvant, d’un enfant du nouveau siècle (Tom Schilling est parfait en bobo déboussolé, en "loup solitaire" cherchant sa voie) sans repère et sans envie, pas mal à l’ouest, et s’achevant par un plan magnifique, à l’aube, qui ne prétend ni conclure l’histoire, ni lui donner un sens quelconque, plus réducteur. Un plan simple, tourné vers l’inconnu, à l’image de ce film savoureux, plein de fraîcheur, furieusement indépendant et joliment mélancolique à la fin.


Jan-Ole Gerster sur SEUIL CRITIQUE(S) : Lara Jenkins.

Oh boy
Tag(s) : #Films

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