Unité parfaite de lieu et de temps, situation particulière et construction minutieuse progressant vers un absurde paroxystique, The party demeure un parangon de logique farfelue où chaque incident provoque un effet comique qui lui-même provoque un nouvel incident... Le chef-d’œuvre de Blake Edwards s’impose en cirque loufoque idéalement millimétré, rappelant ad literam la célèbre séquence du Royal Garden dans Playtime (un espace progressivement investi au sein duquel tout dégénère inexorablement), séquence magistrale où chaque plan se dilate dans son action et sa durée jusqu’à une forme d’apesanteur gaguesque, d’abstraction délurée.
Edwards n’oublie pas d’égratigner, sur fond de jazz nonchalant, les travers de notre contemporanéité réduite ici à un brouhaha mondain où les comportements et les manières sont exposés dans toute leur artificialité et tout leur égoïsme. En orfèvre redoutable, il oblitère toute notion de dialogues et privilégie davantage la musicalité des bruits, des ambiances et du sabir inimitable de Hrundi V. Bakshi. Il revient ainsi à une forme de quintessence du muet burlesque qui s’exprime à merveille lors de grandes scènes métronomiques irrésistibles (la chaussure dans le bassin, le dîner avec le siège trop petit, la scène dans les toilettes, Hrundi tentant de se retenir d’une envie pressante…).
Ces scènes fonctionnent également par la présence pétillante de Peter Sellers qui, avec peu de mots mais resplendissant de génie et de folie douce, fait de Hrundi un électron gaffeur et courtois, expert en cataclysmes et révélateur des médiocrités d’une société présomptueuse. D’une précision diabolique, mathématique, plein d’un délire ciselé et jubilatoire, les mésaventures de ce Pierrot sereinement maladroit dissèquent le dérèglement inéluctable d’une foire aux vaniteux, avec le sourire (en pagaille) et des bulles de champagne plein les yeux.