On a envie d'aimer ce film. On aurait envie de l’aimer parce qu'il y a de beaux instants, de beaux échanges d’acteurs portés par des dialogues superbes, et en même temps il y a quelque chose qui retient, quelque chose qui bloque. D'un côté, ce cinéma français dans ce qu’il a de pire, complaisances dans la douleur de vivre, misérabilisme parisien et nombrilisme sentimental (j’aime, donc je souffre, donc je suis), prises de tête pour rien, pour des mots en l’air ou des gestes l’air de rien, pour des "Je t'aime, moi non plus" compliqués à force de voir le quotidien sans cesse comme une croix à porter, comme un bouillon de merditude et de haine rentrée. Si cette fièvre noire existentielle parvenait à embraser Ceux qui m’aiment prendront le train, Intimité ou même La Reine Margot, ici elle donne l’impression d’arriver à saturation, de n’être plus qu’un simple artifice, qu’une habitude à vomir.
De l'autre, il y a Romain Duris et Charlotte Gainsbourg qui sauvent la mise, lui à fleur de peau dans un personnage détestable et fragile dans un seul et même mouvement, à l’image de ce film en chantier, en vrac sur des riffs de guitare qui l’écorchent souvent. Elle toujours super belle, envoûtante simplement, même de dos quand on voit son cul dans une lumière blanche la nuit, et cette voix et cette façon de dire des choses parfois terribles avec pudeur et délicatesse.
C’est le personnage de Duris qui tend le film vers des turbulences, des non-dits et accidents. Daniel est une éponge, trop à l’attention, à l’écoute des autres, (rassurer une fille qui s’est faite gifler dans le métro, aider un motard qui vient d’être renversé par une voiture), trop sensible, trop chiant, trop vrai. Avec Sonia, c’est trop aimer ou pas assez, un coup on fait l’amour, un coup on se fait la gueule, à la fin on ne comprend plus pourquoi c’est si confus entre eux, il lui reproche ses absences, il pense qu’elle baise ailleurs, elle semble vouloir l’éviter, le fuir, ne pas savoir pourquoi elle l’aime.
Le personnage de Jean-Hugues Anglade qui traque, "persécute" Daniel, paraît être un miroir (et surtout un fantôme, une projection mentale) de ce que Daniel fait subir à Sonia. Aimer, c’est un peu persécuter l’autre. Est-ce cela que Patrice Chéreau veut nous dire, vers cela qu’il veut nous amener dans les sillons crasseux de cette introspection blafarde ? La fin, comme en suspens, ne termine pas le film, n’explique rien, il existe encore mais que pour lui. Persécution, pas aimable, pas fini, est une œuvre agaçante qui irrite, dissèque sans joie une passion amoureuse chaotique d’un homme blessé et "intranquille".