Des Bronzés à Friends en passant par Nous irons tous au paradis, l’amitié et les copains ont toujours été de larges terres en friche accueillant le meilleur comme le pire. Et Les petits mouchoirs de Guillaume Canet se complaît lui, avec une infamie élevée au rang de beaux-arts, dans la deuxième catégorie sus citée, leçons de vie sans charme et sans légèreté aussi subtiles qu’un mauvais (mais là on est en plein euphémisme) Marc Levy, Guillaume Musso ou Anna Gavalda. Le film part de toute façon avec un creux scénaristique plombant déjà l’ambiance : personnellement, un de mes meilleurs amis se retrouve à l’hôpital quelque part entre la vie et la mort, je reste auprès de lui et annule mes vacances sans me poser de questions, surtout si elles se résument à picoler, bouffer des huîtres et faire le mariole au Cap Ferret.
Mais ce problème de "conscience" ne se pose apparemment pas pour cette bande de potes préférant se prendre la tête pour des futilités existentielles et terriblement nombrilistes plutôt que de penser à leur ami en train de crever gentiment. Ce ne sera d'ailleurs qu’une partie visible de l’iceberg déceptif que représente le film. Les situations sont d'une telle banalité (peines de cœurs, imbroglios sentimentaux, engueulades puis réconciliations…) que Les petits mouchoirs s’enfonce lentement mais sûrement (il dure 2h25) dans la vase noirâtre de la médiocrité. C’est écrit avec trop de larmes à l’œil, de guimauve sur les doigts et de pathos à la bouche pour que Canet puisse croire une seule seconde qu’il va réussir à nous toucher et nous surprendre, et c’est d'autant plus évident lors de cette fin racoleuse qui annihile l’émotion qu’elle était censée transmettre, point d’orgue navrant d’un film tout aussi navrant, couleur populo vomi.
Les rôles sont creux et inintéressants, voire antipathiques, et chacun trop balisé dans son genre et ses comportements (on appelle ça un cliché). Certes, la brochette d’acteurs est sympathique comme tout, mais ne suffit pas à établir une quelconque identification avec leurs personnages. De plus, si l’on excepte Marion Cotillard, les deux autres personnages féminins sont sommairement exploités et traités avec une indifférence qui frise le sexisme primaire (Pascale Arbillot, à vue de nez, doit avoir trois-quatre répliques à marmonner pendant toute la durée du film). Et puis devoir supporter, pendant cinq minutes, Maxime Nucci qui geint une ballade à la con en grattouillant sa Gibson, merci pour le cadeau empoisonné.
Canet claironne un peu partout que Les petits mouchoirs est LE film de sa vie. Soit. Mais il ne sera ni celui de l’année ni quoi que ce soit d’autre. Sa vision simpliste de l’amitié et de la vie aurait mérité davantage de finesse et de précision (et dire que le premier montage durait 4 heures…). Il reste bien deux ou trois séquences réussies et un gigantesque éclat de rire lors de la scène où Cotillard s’essaie à la bouée nautique (et pique une colère mémorable), mais ce sont là une maigre pitance pour une œuvre ultra démonstrative réalisée avec pas mal de merde dans les yeux.