Il y a un problème M. Night Shyamalan depuis Signes ; ses scénarios s’arrangent d’une fable morale trop bienveillante, charitable et naïve, qui caractérise le préjudice essentiel de ses films partant toujours d’une très bonne perspective pour, finalement, s’échouer sur les écueils d’une philosophie de comptoir. La foi, le communautarisme, l’espérance et la nature, tous ces sujets exposés ici sont sans cesse ramenés à une facilité scénaristique de circonstance, sans réelle incidence sur les enjeux humains d’une pensée théologique chère à Shyamalan. Phénomènes s’annonce prometteur dès les premières scènes à New York, et celle sur le chantier est admirable (l’image de ces hommes "volants" est d’une grande poésie morbide), puis l’intrigue corsetée, obligatoire, se met en place et tout l’inquiétant lyrisme des prémisses disparaît alors au profit d’une linéarité atone.
Le film n’arrivera jamais à s’en détacher vraiment, préférant s’assujettir aux limites d’un synopsis accommodant, accessoire et dérisoire par moments, plutôt qu’aux élans remarquables d’une narration allégorique. La fin entérine ce constat d’une résignation éthique et esthétique, le message délivré par Shyamalan étant d’une grande misère abyssale (l’amour de son prochain préserve de l’apocalypse générale), en tout cas très maladroitement consacré et signifié par rapport à son substrat. Pourquoi Shyamalan s’est-il embarqué, à mi-parcours, dans un suspens écolo-lénifiant alors qu’il disposait d’autres enjeux, plus cruciaux, à développer ? Un en particulier aurait sans doute permis au film d’esquiver l’éloge ordinaire d’une nature revancharde : celui de la peur ambiante, la peur de l’autre, inévitablement terroriste dans un pays encore traumatisé par l’horreur du 11 septembre.
Ce mal invisible, omniprésent, cette crainte du rien et du tout, étrangère à nous, c’est ce thème passionnant que Shyamalan a raté en se contentant d’un discours altermondialiste laborieux, et s’échinant malgré tout à parfaire quelques scènes intenses (un courant d’air dans une voiture, des gens pendus aux arbres ou poursuivis par le vent, des coups de feu au loin à n’en plus finir, des gamins tués à bout portant...) autour d’une menace biologique insolite, insaisissable et échappant à toutes théories et toute rationalisation. Dommage également pour la direction d’acteurs, inexistante : Wahlberg est aussi inexpressif qu’une éponge et Deschanel semble tout prendre à la légère. Déception irrévocable pour un film élégant et altruiste, intelligemment mis en scène, mais traité comme une fumisterie sur le bien-être de notre planète, et non pas comme une variation subtile et angoissante sur les conséquences que représente notre irresponsabilité environnementale.
M. Night Shyamalan sur SEUIL CRITIQUE(S) : Split, Glass, Trap.