Avec True lies, Piège de cristal est sans doute le meilleur film d’action des années 80-90, vif, spectaculaire et drôle, même si l’humour ne s’accorde pas toujours à certaines scènes du film (voire même à son ensemble), à l'opposé du film de James Cameron qui, lui, jouait de toute façon sur la parodie (James Bond) et l’excès permanent. Adapté d’un roman de Roderick Thorp (Nothing lasts forever) racontant la lutte armée dans un building désert entre un détective et un groupe de terroristes, le film en réarrange la trame principale, ramène l’action à une nuit (contre trois dans le livre) et mise avant tout sur un rythme infernal. La première version du scénario était, paraît-il, dépourvue d’humour et tirait vers le trip noir violent et nihiliste. C’est John McTiernan en personne qui demanda une réécriture pour ainsi désamorcer la tension dramatique de l’histoire qui aurait pu, à la longue, être trop pénible pour le spectateur.
Argument peu convaincant (et regrettable) au regard d’un humour parfois lourd qui vient contrecarrer un flux nerveux alors freiné dans son élan. Plusieurs scènes brutales sont ainsi gâchées par des répliques et des situations servant de défouloir du pauvre à de soi-disant spectateurs stressés, sans parler de plusieurs poncifs qui, eux, nuisent beaucoup à la crédibilité entière du film (Karl encore vivant à la fin, Al qui s’était juré de ne plus se servir de son arme mais l’utilisant quand même à un moment plus que crucial, le presque monologue lénifiant d’un John agonisant dans les toilettes…), même si ceux-ci participent finalement à faire de Piège de cristal le film d’action de référence jusque dans ses clichés et ses maladresses.
Au demeurant, certaines répliques sont réjouissantes ("Une menthe ?", "C’est moi qui le tue"…), et la descente en flammes des journalistes, de la police et du FBI (tous des bras cassés) est assez savoureuse. Ces quelques défauts n’empêchent pourtant pas d’apprécier Piège de cristal dans sa globalité, pur plaisir sensationnel relevé par la magnifique musique de Michael Kamen et la mise en scène carrée de McTiernan qui s’approprie les espaces avec une maîtrise rare. Combinant les opposés sur les échelles de plans, de lieux et d'ambiances (dedans/dehors, descendre/monter, aéré/confiné, petit/grand), McTiernan utilise toutes les ressources possibles de son décor (le Nakatomi Plaza) pour en faire un terrain de jeu quasi théorique, un environnement abstrait progressivement anéanti par le chaos.
Cette dynamique du contraire se retrouve jusque dans l’interprétation des acteurs, le jeu glacial et suave d’Alan Rickman contrastant avec la décontraction juvénile de Bruce Willis. La mécanique de destruction enclenchée par l’intrigue permet à McTiernan de joyeusement "saboter" son film, tout ce qui est montré à l’écran se devant d’être pulvérisé à un moment ou un autre : voitures, chars, hélicoptères, décors et même personnages (voir l’état dans lequel McClane termine l’aventure ou le plan incroyable de Gruber chutant dans le vide). Ce fabuleux foutoir apocalyptique, aux règles secrètement conceptuelles, a redéfini les bases d’un spectaculaire haut de gamme ainsi que la notion du héros moderne, simple, débrouillard et courageux (et si possible américain).
John McClane sur SEUIL CRITIQUE(S) : Die hard - Belle journée pour mourir.