La franchise 007 a toujours su s’adapter à l’époque en cours, à son style, à ses modes et ses circonvolutions géopolitiques. Elle a su aussi évoluer dans sa forme, de façon parfois peu concluante (Moonraker par exemple), passant, au fil des décennies, du film d’espionnage old school à l’énorme production internationale et explosive. Casino Royale, il y a deux ans, marquait un net renouveau esthétique et s’amusait à contourner les rituels trop marqués qui ont fait les beaux jours du mythe ; presque une trahison, mais nécessaire et bénéfique par rapport à une légende cinématographique qui commençait sérieusement à ne plus surprendre personne.
Quantum of solace se devait donc de prolonger ce nouvel élan créatif, ce qui, en soi, constituait une gageure et une motivation passionnantes pour les producteurs et pour les fans. Ni raté ni épatant, le film comble certaines attentes tout en décevant à plusieurs niveaux. Le défaut prédominant de Quantum of solace résulte d’un scénario hybride et confus qui hésite entre vengeance personnelle (Bond et Camille) et complots altermondialistes (Bond contre Greene) : le premier thème est modérément exploité quand le deuxième l’est trop superficiellement, n’intéressant qu’à moitié en raison de son traitement scénaristique décousu.
Mais par indulgence, et surtout par indéfectible attachement à la saga, on se laisse facilement emporter par le rythme trépidant de ce nouvel opus qui offre son lot de scènes d’action spectaculaire dans la même mouvance que Casino Royale : réaliste, nerveuse et ultra-violente. La séquence pré-générique est étourdissante, les combats à mains nues sont électrisants, et la scène finale (dans l’hôtel au milieu du désert) est très réussie, contrairement à celle de Casino Royale qui pêchait par manque d’envergure. Enfin, les références à quelques anciens épisodes, disséminées ça et là, se savourent avec joie : femme recouverte de pétrole (Goldfinger), chute libre avec un seul parachute (Moonraker), duel à mort à coups de hache (Dangereusement vôtre), vendetta privée et révocation au sein du MI-6 (Permis de tuer).
Quant à l’interprétation, Craig a toujours autant de classe et paraît toujours aussi habité, toujours aussi intense, impulsif, impitoyable, restituant parfaitement l’essence même du personnage de Bond (avant tout un assassin sans remords, et non pas un gentleman tuant la blague aux lèvres). Olga Kurylenko est assez insignifiante (la faute à un rôle sans réelle consistance) et Amalric s’en sort relativement bien malgré un personnage lui aussi très mal développé (le comble pour un méchant bondien) ; son face-à-face mortel avec Craig lors du final procure cependant une plaisante sensation d’adrénaline.
Bilan mitigé après la renaissance d’il y a deux ans, Quantum of Solace déçoit forcément au vu des exigences posées par son prédécesseur. Cette suite directe à Casino Royale, une première dans l’histoire de 007 (si l’on excepte le retour de Requin dans Moonraker et le pré-générique de Rien que pour vos yeux qui voyait Bond se recueillir sur la tombe de sa femme avant que Blofeld ne tente une dernière fois de le tuer), souffre malheureusement d’une intrigue chaotique et expéditive qui nuit beaucoup à l’énergie manifeste de l’ensemble.
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