Les nouvelles aventures d’Hubert Bonisseur de La Bath s’arrangent une fois encore, très habilement, des codes et des références du film d’espionnage d’antan, James Bond évidemment, mais aussi Hitchcock avec La cinquième colonne et L’étau, ou même Sueurs froides. Le film se joue également d’outrances et d’invraisemblances délibérées, réfléchies, assumant et assurant une absurdité caractéristique des plus savoureuses ; on peut ainsi s’étonner (mais on aurait tort, c’est là qu’est le délice) qu’OSS 117 demeure mystérieusement increvable, survivant à tout, crash d’avion, chute mortelle contre des rochers ou rafales de tirs qui ne viennent jamais le toucher, ni même l’effleurer.
L’humour est pince-sans-rire, cocasse, voire minimaliste, et ce qui étonne davantage dans Rio ne répond plus, ce que l’on pourrait finalement retenir du film, c’est cette insolence jubilatoire par rapport aux Juifs, plutôt inhabituelle de nos jours où la moindre pitrerie à ce sujet ressemble forcément à une insulte antisémite. En ces temps de drôlerie outrageusement aseptisée où plus rien ne doit choquer, remuer ou déborder (des frontières et des mentalités), il est réjouissant, et presque salutaire, qu’Halin et Hazanavicius aient pu ainsi s’amuser des idées reçues sur les Juifs. Par le biais de la suffisance indécrottable de ce cher OSS 117, tout y passe sans aucune gêne, mais avec beaucoup d’aplomb : Shoah, argent, physique et amalgames divers (la scène avec les agents du Mossad évoque celle du représentant égyptien dans Le Caire, nid d’espions), le film n’oubliant pas non plus de vilipender femmes, Chinois et Français. L’ombre de Desproges semble vaguement planer sur le film, le vitaliser parfois dans ses dialogues et ses réparties saugrenus, rappelant cette époque bénie où l’on pouvait (et savait) rire de tout avec intelligence et panache.
La musique est exquise, la reconstitution parfaite, le rythme indolent, bien chaloupé, Dujardin égal à lui-même, situant cette comédie au-dessus de la moyenne actuelle sans pour autant la rendre indispensable ou totalement inoubliable. Voilà une farce sympathique qui fait sourire, mais jamais franchement rire car rien, d’une part, n’a été renouvelé par rapport aux gimmicks et recettes du précédent opus, et, d’autre part, envisagé autrement qu’en termes d’élégante plaisanterie populaire (ce qui n’a rien de péjoratif en soi, mais en regard des ambitions et des moyens mis en œuvre, il y avait à espérer plus que cela). Rio ne répond plus reste, en l’état, une belle parodie vintage à l’ironie bonhomme, distinguée mais déjà entendue ; sans déplaisir certain, mais sans enthousiasme sûrement.
Michel Hazanavicius sur SEUIL CRITIQUE(S) : The artist, Le redoutable.