En ce début de siècle où la préservation de l’environnement (et la cohabitation de l’homme avec celui-ci) incarne l’une des questions essentielles pour les générations futures, en ces périodes troubles où le temps se fourvoie à force de technologies trop souvent imposées, où les bonheurs simples s’abrègent sous le poids d’habitudes superflues, contempler Rivers and tides (le film ne se regarde pas, il s’admire, il se vit) procure une incroyable sérénité dans l’impitoyable urgence du monde. Suivant les pas du land artist Andy Goldsworthy dans ses différents processus de création, Thomas Riedlsheimer offre au spectateur un documentaire fascinant sur l’harmonie essentielle, bienfaitrice, entre l’homme et la nature.
À travers la conception d’œuvres d’art éphémères (quelques heures, quelques jours, parfois des mois) et le plus souvent improvisées, en perpétuelle concordance avec les influences météorologiques (soleil, pluie, vent, marée) et la topographie du site choisi, le film donne à ressentir, très concrètement, les éléments de la Terre comme un flux invisible, une force vitale à notre condition et nos aspirations. Sous nos yeux émerveillés, Goldsworthy façonne des sculptures et des installations étonnantes (serpent de pierres, caducée de glace, toile d’araignée en bois, rivière de fleurs…) en prise directe avec les paysages alentour et le temps qui s'égrène.
Cette communion avec le végétal et le minéral, sans mot ni explication, voit l’artiste reconstruire un monde insaisissable où l’homme, comme revenu à ses origines, sait s’imprégner et vivre des ressources qui l’entourent (et non plus les exploiter et les détruire). D’une grande humilité, Goldsworthy laisse ses œuvres à la seule perception d’une nature retrouvée, à sa seule appréciation et sa seule autorité. Balade contemplative et magnifique, très loin d’un énième pensum écologiste, Rivers and tides stimule et purifie l’esprit, permettant d’envisager d’abord les mystères d’un cheminement créatif, ensuite l’humble et constant respect que l’on se doit d’accorder à notre environnement.
Thomas Riedlsheimer sur SEUIL CRITIQUE(S) : Penché dans le vent.