Le début agace franchement : banalisation et survol des enjeux géopolitiques autour du pétrole (guerres, accointances financières, réseaux occultes) lors d’un générique plus tape-à-l’œil qu’informatif, vision manichéenne de terroristes prenant le temps de contempler le massacre qu’ils viennent de perpétrer, émotion puante d’un super-papa américain partant en guerre contre des supers-méchants sous les yeux admiratifs de son fils. La suite penche vers un mieux dès lors que l’équipe d’experts débarque à Riyad, parvenant à traduire l’extrême dissension qui règne entre deux puissances qui ne se sont jamais comprises (à part sur le profit et pour les dollars) : Américains arrogants, Saoudiens sur la défensive, enquête laborieuse et sans éclat entravée par divers protocoles dont la plupart restent incompréhensibles pour des occidentaux, mais sacrés pour des Musulmans (choc des cultures et des traditions, langage ordurier à proscrire, interdiction aux femmes de toucher un homme, même mort…).
Le film, vu comme une énième gloriole louant la bravoure et la compétence américaines contre la barbarie islamiste, s’avance plutôt masqué et adroitement biaisé. Ainsi, plusieurs représentants du gouvernement américain sont montrés comme une clique de petits fonctionnaires, l’enquête ne sera résolue que sur un effet du hasard (et non pas grâce à l’assiduité de l’équipe) et nos quatre experts passent finalement plus de temps à attendre et à parlementer qu’à réellement parfaire leur mission (spécifier les rouages d’un attentat contre leur pays, et non pas sauver le monde d’une quelconque menace).
C’est dans la dernière demi-heure que tout va brusquement s’enflammer, comme si toute la tension accumulée pendant la première heure s’ouvrait soudain à une expression physique destructrice ; même si cette dernière partie paraît trop exagérée par rapport à l’impassibilité de la première (plutôt avare en action), elle procure un grand moment spectaculaire de guérilla urbaine pratiquement muette et parfaitement mise en scène. Et le combat à mains nues entre Garner (transparente pendant tout le film) et un terroriste, d’une surprenante intensité, assure habilement son effet. Les toutes dernières secondes, elles, permettent de relativiser le supposé racisme ordinaire et engouement patriotique du film, offrant surtout la vision pessimiste et impartiale d’un maelström de haine perpétuelle : de chaque côté des bombes, une même ivresse d’en découdre, un même fanatisme vengeur ("On les tuera tous"), aveugle et malheureusement sans issue.
Peter Berg sur SEUIL CRITIQUE(S) : Battleship.