Suite crade et agressive du brillant 28 jours plus tard de Danny Boyle, le 28 semaines plus tard de Juan Carlos Fresnadillo surpasse en férocité et en intensité son prédécesseur. Sûrement parce que Boyle ratait plus ou moins la dernière partie de son film (dans le château avec les militaires) alors que Fresnadillo maintient un ton et un malaise jusqu’aux toutes dernières minutes. Les deux films ont en tout cas une tenue esthétique remarquable et proposent, et plus encore chez Fresnadillo, des visions inoubliables d’un monde à bout de force où l’homme, en situation extrême, s'abaissent à ses pulsions de survie au détriment de ce qui faisait de lui un être humain ; si le rescapé ne devient pas un zombie, il devient potentiellement un barbare.
Ce thème fondamental est ici exacerbé jusqu’à la folie, suggérant quelques métaphores et réminiscences historiques peu glorieuses (génocides divers, solution finale). Visuellement, tout cela se traduit par des scènes réellement éprouvantes : la séquence d’ouverture, brutale et lapidaire, l’extermination sans distinction de fuyards lors d’une scène de panique générale, l’immolation d’un innocent, des rescapés enfermés dans un sous-sol (troublante référence aux chambres à gaz) où s’infiltrent des zombies, les rues désertes de Londres envahies par un gaz meurtrier…
Deux scènes saisissantes marquent plus durablement les esprits : le quartier de Canary Wharf passé au napalm, tableau eschatologique d’un enfer sur Terre, concret et primitif, et un impressionnant charcutage de zombies à la pale d’hélicoptère, image surréaliste et presque naïve traduisant la bestialité et la démence résurgentes de l’homme. Fresnadillo a élaboré une représentation animale et mortuaire d’une fin d’humanité, filmée en urgence, comme sur le fil. En plus d’une mise en scène musclée et un sens du cadrage abouti (sans parler de la photographie et de la musique), son film statue sur un discours symbolique fort, celui de nos instincts rentrés participant soudain à notre perte.