Bon, ça commence à bien faire maintenant, ça devient vraiment lassant, cette perfection assommante à chaque merveille balancée à nos mirettes ébahies. À deux ou trois exceptions près (Cars, Wall-E), toutes les œuvres à pixels du studio californien sont désormais des réussites et des références dans leur genre, conciliant comme personne enchantement visuel et gros plaisir des neurones. Toy story 3 écrabouille une fois de plus la concurrence (Dreamworks et Cie) en imaginant, 10 ans après, les nouvelles aventures de Buzz l’Éclair et Woody le cow-boy.
Être ou ne pas être, voilà bien une interrogation universelle qui taraude soudain notre fine équipe, option bourdon et cafard. Bayonne, Jessie, Rex et les autres se prennent pour Hamlet, remettant en question leur (triste) condition de jouets obsolètes et bons pour la casse (certains y sont déjà passés, adieu donc bergère et écran à dessins…). Le départ imminent d’Andy pour l’université échauffe les consciences, précipite les doutes et les choix existentiels (finir au grenier ou dans un sac-poubelle, telle est la question). Mais une autre alternative va s’offrir à nos figurines thermo-moulées-préférées : Sunnyside, la crèche providentielle qui, rapidement, se révélera un pur cauchemar cauchemardesque, genre bambins fous furieux, ambiance carcérale et pouvoir mafieux détenu par une sorte de Bisounours qui sent la fraise.
L’intelligence du scénario, qui passe avant la technique et la frime, prouve bien que Pixar a encore de la suite dans les idées et les chaussettes. Andy a grandi, est passé à d’autres préoccupations, quand la bande de joujoux-cailloux-genoux s’en tient strictement à son motto depuis des années : être à l’éternelle disposition d’Andy. Le temps passe, le temps a passé, on remise une partie de son jeune âge tout en gardant quelques souvenirs, pas mal de tendresse, et bien embêté parce qu’on ne sait pas trop quoi faire de tous ces jouets qui ont accompagné notre enfance.
Toy story 3 prend le temps pour installer son histoire, raconter les choses, les situations sont irrésistibles, les personnages étoffés et cocasses (Ken en particulier, sorte de métrosexuel pas très au fait de sa virilité), Lee Unkrich et Michael Arndt maniant l’humour et l’esprit avec un sacré brio. Dans la deuxième partie, ils passent à la vitesse supérieure et transforment leur récit en parodie de films de prison (c’est La grande évasion et Prison break à la garderie) ; aucun poncif n’est alors oublié (miradors, gardiens, caméras, etc.), mais tous sont génialement détournés pour offrir un régal de comédie à la bonne humeur communicative.
Le délire s’invite aux éclats de rire (la troupe de jouets qui se prend pour l’Actors Studio, M. Patate s’essayant à la tortilla, Buzz en mode espagnol et flamenco…), on s’amuse, on s’esbaudit, on tremble (la scène du brasier dans la décharge), puis les dernières minutes du film viennent nous saisir d’une émotion simple et ravie ; impossible, alors, de retenir sa petite larme (bonjour la buée avec les lunettes 3D, 3D qui, au passage, n’apporte strictement rien au film, sinon atténuer et "griser" l’incessant tourbillon de couleurs. Complètement dispensable, donc).
Mélancolique et rigolo, Toy story 3 assure le spectacle comme un as et parle de nostalgie, de transmission et de filiation sans pathos ni violon. On termine la séance dans un drôle d’état, les yeux un peu mouillés, les lunettes 3D en vrac et un cintre dans la bouche tellement on a ri, et tellement emballé aussi d’avoir passé un si délicieux moment. A la espera pronto de un cuarto episodio…
Pixar sur SEUIL CRITIQUE(S) : Ratatouille, Wall-E, Là-haut, Rebelle, Monstres academy, Les indestructibles 2, Toy story 4, Soul.