Ce film est tellement raté et tellement chiant qu’on ne sait même pas par quoi commencer pour le descendre en flammes, méchamment, rapidement, violemment. À un moment du film, Philippe K. dit à sa maman : "Tu sais, je n’ai pas vu le temps passer". Au moins un qui a de la chance, lui ne s’est pas ennuyé comme un rat crevé au fond d’un égout noirâtre et puant, parce que pour les autres, pour les simples mortels que nous sommes sur cette misérable Terre, ce bidule consternant et affreusement vieillot a des allures d’éternité dans un des cercles de l’Enfer.
Le film ne prodigue aucune émotion, aucun rire, pas même un sourire ; son aspect décalé, sa poésie déglinguée, ses dialogues sans queue ni tête ne fonctionnent pas, passant à côté du petit grain de folie qu’il voulait tant donner à voir et à faire ressentir. Car la vérité est ailleurs, en tout cas elle est sur ce blog sous la forme d’une équation de cet ordre-là : (décalé = ringard) + (déglingué = naze) + (sans queue ni tête = creux) = grosse daube. C’est dingue cette impression tenace que l’on a de visionner (d’endurer), du début à la fin et d’un œil desséché par le désespoir, un navet de Jean Girault, un vieux Claude Zidi ou un fond de tiroir de Mocky, parce qu’à ce niveau de cheap et de médiocrité artistique, c’est carrément une déclaration de guerre contre le spectateur.
Uwe Boll aurait réalisé ça que personne n’aurait vu la différence (on s’étonnerait juste qu’il tourne en français). Pourtant Thierry Jousse a de la bouteille et s’y connaît en cinéma (auteur d’un ouvrage sur Lynch, ancien rédacteur aux Cahiers et aux Inrocks), mais là le monsieur a tout simplement signé son arrêt de mort cinématographique. Le rythme est atone, comme lessivé d’avance, l’humour tombe complètement à plat, et le tout est très laid visuellement. Il n’y a bien que le joli couple formé par Aurore Clément et Jackie Berroyer qui soit un tantinet touchant, et aussi ce final dansé et chanté qui, in extremis, rappelle qu’il est encore possible d’aimer le cinéma quand tout a l’air de foutre le camp.
Quant à Katerine himself, il donne dans la parodie pas drôle des Deschiens avec un look proprement terrifiant à faire pâlir d’envie les winners de Gougoule.com. Et même si le film sait rester léger et sans prétention (c’est peu de le dire), variations bizarres sur l’amour, la famille et la célébrité, Je suis un no man’s land n’est qu’un énorme nanar à bobos, une sombre blague pour une certaine intelligentsia critico-cinéphile, la seule au monde capable de s’ébaubir devant cet ultra précis de non-cinéma.