Boyle a raté son grand film de science-fiction en s’égarant dans les méandres de références inévitables, citées uniquement pour ce qu’elles représentent dans le panthéon des œuvres cultes, et non pas pour ce qu’elles avaient à dire sur le monde et ses mystères. De fait, Sunshine donne l’impression d’une compilation formelle vide de sens qui n’existe pas pour soi, mais seulement pour ce qu’elle convoque de ses aînés. L’aspect spirituel et religieux du scénario prête plutôt à sourire, et les enjeux dogmatiques servent de prétexte à un survol miséreux sur le rôle de Dieu dans l’univers (abordé en toute fin du film), l’homme ne pouvant aller contre sa volonté ni contre l’ordre des choses.
C’est un pis-aller indigent et superflu, Boyle et Garland préférant l’esbroufe visuelle à une tentative de conte métaphysique et moderne. Les modèles évoqués (2001, Solaris, Alien…) transcendaient leur nature artistique en parvenant, avant tout, à porter leur discours métaphorique en première ligne et à faire oublier les prouesses techniques réalisées. Sunshine, au contraire, use souvent d’effets ostentatoires, et son scénario se résume à une suite d’avaries mécaniques débouchant sur un vague suspens horrifique, inconsistant et mal venu, qui lorgne sans complexe sur Alien.
L’influence du soleil sur les membres de l’équipage rappelle Solaris, la rencontre avec un être supérieur mentionne 2001, et même la réplique-phare et sentencieuse du film ("J’ai parlé avec Dieu pendant 7 ans") suggère, en moindre, la citation célèbre de Blade runner ("J’ai vu tant de choses que vous, humains, ne pourriez pas croire"). Tout ce photocopiage gratuit et contestable amène à se demander où va le film et ce qu’il prétend démontrer, supposer.
Si donc le film s’engouffre dans une impasse scénaristique, incontestablement, sa force graphique éblouit et impressionne constamment. Entre autres, la puissance esthétique figurative de l’astre solaire donne lieu à de magnifiques plans abstraits et géométriques, finalement plus signifiants et plus poétiques que l’histoire en elle-même qui pâtit d’un manque d’ampleur idéologique (sans parler des nombreuses incohérences). Si Boyle et Garland ne s’étaient pas perdus dans un récit stérile virant au grotesque, mais appliquant à leur scénario une rigueur et un pouvoir d’évocation semblables à ceux des images, le film aurait sans nul doute gagné ses galons d’œuvre essentielle dans l’anthologie cinéphilique de la science-fiction.
Danny Boyle sur SEUIL CRITIQUE(S) : La saga 28, Slumdog millionaire, 127 heures, Trance, Steve Jobs, T2 Trainspotting.