On sait l’influence universelle, discrète mais essentielle, que Tron a acquis au fur et à mesure des années. Sorti en 1982, le film n’a pas eu le succès escompté (trop innovant, trop "ciblé"), gagnant son statut d’œuvre culte sur le tard. Presque 30 ans après, la suite annoncée débarque enfin dans notre monde semi-virtuel pour tâcher de retrouver la nouveauté d’alors et la magie numérique du premier opus. Retour intrigant, attendu et prometteur, mais qui déçoit beaucoup et laisse une mauvaise impression de produit formaté sans l’once d’une prise de risques ou de tentatives à vouloir se démarquer, absolument, du tout-venant hollywoodien.
Visuellement, le film est magnifique, les ambiances, les looks et les décors sont parfaitement aboutis ; de plus, les mélodies électroniques de Daft Punk (aux envolées très zimmeriennes) viennent accompagner, enrichir le tout en faisant pulser l’image et l’espace. Le scénario ne perd pas trop de temps à se mettre en place et dès que l’on passe de l’autre côté de l’écran, dans l’univers informatisé, immatériel de Kevin Flynn, l’action s’enchaîne directement et sans faiblir : combats dans l’arène, luttes aux disques, poursuites en moto. Le spectacle est alors total, complètement grisant, éclats de lumières, sons vrombissants, rythme effréné, adrénaline et chair de poule. C’est un pur bonheur de spectateur, primaire et merveilleux, mais de bien courte durée. Parce qu’après un milliard d’étoiles dans les yeux, c’est l’heure venue (et navrante) de la sinistrose, du bla-bla et de l’ennui ferme que la beauté esthétique de l’ensemble ne suffit ni à éclipser, ni à justifier.
L’intrigue devient longuement explicative, prévisible, convenue, les dialogues indigents, et l’intérêt aussi excitant qu’un error 404 ou qu’une ligne de code. Le film se risque à aborder plusieurs thèmes mais sans jamais les exploiter concrètement ni les rendre passionnants (homme/machine, père/fils), et la piteuse caution historique rappelant les heures sombres de notre humanité (purge ethnique, génocide, armée prête à conquérir le monde) sonne complètement faux; presque anecdotique, censée apporter un côté réfléchi et solennel au scénario (à l’instar du funeste Harry Potter et les reliques de la mort), elle prête plutôt à sourire (ou à pleurer, selon l’humeur) par sa façon naïve et maladroite de se trimbaler ainsi la sériosité de nos époques.
Il faudrait évoquer aussi, pour rendre compte du véritable gâchis que représente le film, les raccourcis scénaristiques, les incohérences, les clichés et les scènes largement loupées comme celle, ridicule, avec Castor, personnage non moins ridicule qu’on dirait échappé du Rocky horror picture show ou d’un clip de Lady Gaga. Comme Avatar, comme Inception ou même Transformers, on regrette beaucoup qu’un tel déploiement de talents et de splendeur technique ne serve uniquement qu’à illustrer des propos si peu inspirants et si peu inspirés.
Belle coquille vide cherchant à renouveler, à "regénérationner" une œuvre (dé)passée et s’amusant à compiler, accessoirement, les grands classiques de la science-fiction (2001, Star wars, Blade runner…), Tron : L’héritage est un objet lisse et sans émotion que la 3D rehausse à peine d’un semblant de consistance. C’est bête à dire, mais deux heures de poursuites en moto à toute allure avec le sol et les enceintes grondant comme jamais, les beats de Daft Punk à fond dans les oreilles et des étincelles partout autour auraient, finalement, été plus tentant et plus enthousiasmant que ce spectacle vide de sens s’efforçant, en vain, à essayer d’en donner.