Fighter vient à peine de s’éclipser par la porte de derrière que Warrior déboule par celle de devant. Soit un nouveau film de boxe (ou plutôt d’arts martiaux mixtes) avec deux frères dans la dèche essayant de prendre en main leur destin. La mère castratrice a été remplacé par un père ex-alcoolique et ex-violent qui cherche par-dessus tout le pardon de ses fils. Sinon, c’est toujours mêmes villes mornes et épuisées économiquement, même misère sociale à la Wrestler, vieux drames familiaux sortis des tiroirs, existences contrariées et musique très spleen pour bien insister sur le caractère réaliste et dur de cette chienne de vie. D’ailleurs, pour continuer la comparaison avec Fighter, on va dire que Warrior est exactement à l’image de Christian Bale dans le film de David O. Russell : toujours à la limite du trop-plein, de la caricature, épuisant à la longue, mais finalement emballant.
C’est bourré à mort de clichés, de poncifs (en établir la liste exhaustive relève du suicide rédactionnel), de pathos, de scènes tire-larmes, de violons et d’envolées aux instants les plus bandants, et pourtant, pourtant, par un coup du sort inexplicable, par une sorte de "Et vas-y que j’t’embrouille" qu’on ne sent pas venir, ça fonctionne presque totalement. Tout ce que l’on peut généralement conjurer, détester au cinéma est ici utilisé, amplifié, matraqué parfois, sans qu’on trouve beaucoup à y redire parce qu’on est vite ferré, vite accroché par les enjeux du film, par son rythme bien construit et, surtout, par l’interprétation exceptionnelle d’un trio de tête qui en met plein la vue (Nick Nolte, Tom Hardy et Joel Edgerton, gueules de l’emploi, charismes électriques et jeu sur le fil).
Gavin O’Connor, faiseur lambda à Hollywood, prend le parti de charger la mule jusqu’à ce qu’elle ploie tout en proposant un cinéma "vérité" (les combats sont impressionnants, sans chiqué), porté par une efficacité à toute épreuve jusque dans ses convenances et son manque d’originalité. Les références sont habilement intégrées (les Rocky bien sûr, mais aussi toute l’armada de séries B complètement nanardeuses, de Bloodsport à Street fighter en passant par Kickboxer) et le combat des deux frères brouillés depuis l’adolescence, l’un habité par une rage d’écorché vif, l’autre par une envie de s’en sortir à tout prix, prend des allures de mini tragédie qui se règlera sur le ring à coups de tatanes, de sueur et de larmes dans les yeux. L’Amérique aime les jeux d’arène, le courage, les bons sentiments, les braves soldats et les success stories : Warrior mixe allègrement tout cela pour en faire un film lourdaud et simple qui finit par prendre aux tripes.