Les graines ne germent plus, les abeilles sont parties, les coqs se taisent, les vaches ne donnent plus de lait, les poissons se meurent, les arbres se déracinent et s’effondrent avec fracas, et plus rien ne pousse, plus rien ne sort de terre, comme si l’hiver s’était installé pour toujours. Cet hiver qui reste, cet hiver qui perdure, qui n’a pas voulu partir lors de la cérémonie presque ancestrale, un rien païenne, qui consiste à brûler un homme de paille (un wicker man) à la nuit tombée, à chasser les frimas par les grandes flammes. Sauf que rien n’a voulu brûler cette année, et l’hiver désormais impose sa froide dureté à chaque saison qui passe. C’est la nature déchirée, vengeresse et punitive, qui tout à coup martyrise les hommes, les femmes et les enfants de ce petit village perdu des Ardennes.
Jessica Woodworth et Peter Brosens évoquent, dans un style pictural toujours très travaillé (voir Khadak par exemple), un sujet prophétique (et apocalyptique) dont la brûlante contemporanéité accompagne les appuis narratifs. Rappelant les peintures de Pieter Brueghel ou Léon Spilliaert (belle photographie gris passé de Hans Bruch Jr.), invoquant le cinéma de Sharunas Bartas et de Roy Andersson (on pense aussi au Cheval de Turin de Béla Tarr ou à Melancholia de Lars von Trier), La cinquième saison semble hésiter entre poésie primitive, fantaisie bricolée et tonalité plus sombre, plus expérimentale, proposant une œuvre bancale qui souffle le chaud et le froid et nous laisse là, constamment, entre ennui et fascination.
La dernière demi-heure prend justement le parti d’une mélancolie plus rugueuse et d’une mise en scène plus radicale, et le film aurait sans doute gagné à explorer franchement cette veine-là parce que Woodworth et Brosens paraissent davantage inspirés quand ils confrontent leur inspiration à la pratique sensorielle et crépusculaire. Le plan final, maladroit et raté, vient sursignifier les thèmes abordés par le film en montrant des autruches (les villageois, nous) traverser soudain le plan, symboles appuyés de nos inactions et de nos paresses face aux désastres environnementaux qui nous attendent. Abouti dans sa forme, intéressant dans son propos, mais boiteux dans sa construction et dans son rythme, La cinquième saison reste néanmoins un objet atypique fantasmant une fin du monde aux belles envolées esthétiques.