Que pouvait bien donner l’équation improbable Superman + Zack Snyder + Henry Cavill (x Christopher Nolan) – Bryan Singer – le slip rouge ? Réponse : pas grand-chose. Exit Christopher Reeve en fier étendard de l’Amérique reaganienne. Exit Dean Cain et Tom Welling en parfaits gendres idéals. Exit aussi Brandon Routh en mannequin Abercrombie insipide (sauf peut-être pour Singer et Kevin Spacey…). Voici donc le nouveau visage et le nouveau costume de la nouvelle franchise à venir de l’inoxydable homme d’acier qui, depuis 1932, fend les cieux avec sa cape rouge et ses collants bleus. Il y a en fait deux films dans ce Man of steel hybride : un plutôt pas mal, classique, burné, et un autre mentalement déficient.
Toute la première partie (en zappant le prologue fouillis sur Krypton) est magnifique avec cet homme (et cet enfant d’abord) hors du commun obligé de vivre comme un paria, d’aller contre sa nature, sauvant les hommes tout en cherchant à s’en éloigner, à s’en cacher parce que différent (et parce qu’être différent, ça fait vachement peur aux autres). Il y avait clairement quelque chose à faire, quelque chose à transcender avec cette histoire ordinaire, sans chichi, d’un héros (la figure christique n’est jamais loin, ouvertement suggérée dans quelques détails flagrants : bras en croix, 33 ans au compteur…) obligé de fuir et de taire ses origines. Un demi-dieu solitaire.
Puis arrive la deuxième partie qui, elle, choit dans les travers des récentes grosses productions hollywoodiennes avec intrigue gribouillée par un stagiaire (encore un truc de réacteur à neutraliser), incohérences, clichés, raccourcis scénaristiques et vieilles ficelles putassières (le chien à sauver, la famille prête à se faire carboniser…). Visiblement, les États-Unis n’en auront jamais fini avec le 11 septembre, anéantissant inlassablement leurs villes et leurs gratte-ciel dans des scènes de destruction massive qui, depuis des années, finissent par toutes se ressembler. Le tout allègrement brassé dans des discours lénifiants sur le devoir, la morale et le sens du sacrifice. On ne les refera pas, les Américains ; ce besoin de patriotisme et de grandes valeurs humaines leur est aussi nécessaire que l’auto-défense, respirer ou prier Jésus. Pour le reste du monde habitué à la dépravation et au terrorisme, c’est lourd.
Henry Cavill (Les Tudors, Les immortels) convainc assez en Superman (il s’en tire plutôt bien vu les dialogues de naze qu’il a à balancer), mais la vraie surprise vient d’Amy Adams en Loïs Lane, ni bimbo ni bombasse, mais une femme sûre d’elle, crédible et très belle dans sa simplicité. Michael Shannon en revanche frise le ridicule en Général Zod (en même temps, ça change de Terence Stamp avec son look de patineur stambouliote dans Superman 2) avec grimaces outrées, moue menaçante et roulements d’yeux effroyables ; comme Snyder (Zack, tu gères très bien les choses, mais s’il te plaît arrête avec les zooms), on ne peut pas dire qu’il fasse dans la demi-mesure. Pour ce genre de blockbuster poids lourd et risiblement sérieux, on a finalement que ce que l’on mérite : du bourratif.