Évidemment, c’est plutôt difficile de ne pas aimer Sing street quand t’as grandi dans les années 80 et que t’étais toi aussi habillé avec des pulls aux imprimés douteux et des jeans délavés et portait des lunettes à grandes montures qui semblaient redéfinir, de façon schizophrénique, les notions mêmes de désastre et d’esthétisme. Sans parler bien sûr de cette musique que t’écoutais sur ton balladeur en allant en cours, genre pop british à fond les synthés à qui pas mal d’artistes doivent, aujourd’hui, quasiment tout (et que tu retrouves ici pour ton plus grand plaisir, de The Cure à Duran Duran en passant par Spandau Ballet).
Donc quand t’es ado dans les années 80 à Dublin avec des parents qui divorcent, un physique passe-partout et que t’es obligé d’aller dans un lycée catho où règnent intendant pas commode et brutes épaisses à la récré, l’échappatoire idéale semble être de monter un groupe et de fuir l’Irlande pour Londres, nouvelle terre promise. Et si en plus ça te permet de draguer la jolie fille du foyer d’en face, Raphina, sorte de clone de Sandra en moins sophistiqué, alors là vive la nuque longue et les appareils dentaires. Conor (c’est lui l’ado en question) et ses acolytes fraîchement recrutés vont ainsi tenter de s’imposer en tant que new band in town, tout en cherchant leur propre style musical et surtout vestimentaire (pop ou New Wave ? Brushing ou mèches décolorées ? Manteau noir ou veste à épaulettes ?).
C’est gentillet tout plein et cousu de fil blanc (jusqu’à cette fin étrange qui paraît envoyer nos deux tourtereaux à une mort certaine), mais ça dégage un charme, un humour et une énergie plus que communicatifs (la bande de jeunes acteurs y est pour beaucoup). Feel good movie pur et dur revisitant la comédie teenage à la sauce sociale (chômage et précarité en arrière-plan loachien), Sing street fait passer ses quarante tonnes d’ondes positives avant toute autre forme d’ambition (dans sa mise en scène) et d’originalité (dans son scénario). On ne lui en voudra pas trop parce que le film sait donner en même temps la frite, la banane et la patate.